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combien de voyages à Versailles ! Le 28 germinal de l’an II (17 avril 1794), Jussieu, directeur du Muséum, obtint enfin, du district de Versailles un ordre de réquisition pour avoir les chevaux et les voitures nécessaires au transport à Paris de l’ancienne ménagerie du Roi. Il fallut encore huit jours pour faire exécuter cet ordre et, le 26 avril, les derniers animaux qui restaient prirent le chemin du Jardin des Plantes.

La ménagerie royale de Versailles était morte. Elle avait vécu cent trente-deux ans, de 1662 à 1794. Pendant ce temps, elle avait exhibé des représentans d’environ 80 espèces différentes de mammifères, 160 espèces d’oiseaux et une dizaine d’espèces de reptiles. Elle avait servi ainsi à faire connaître aux naturalistes les fauves exotiques d’Asie, d’Afrique et d’Amérique ; elle avait fait quelques essais d’acclimatation de cerfs axis, d’autruches, de grues de Numidie, de cygnes de Hollande, d’oies d’Egypte et de perdrix de Barbarie. Buffon, Camper et d’autres zoologistes y étaient venus étudier ces animaux, et les anatomistes Perrault, Duvernoy, Mery-Mertrud, etc., y avaient commencé une science nouvelle, celle de l’anatomie comparée. Elle avait servi à l’art encore plus peut-être qu’à la science. Outre qu’elle avait créé une architecture nouvelle et qu’elle avait servi de modèle à d’autres ménageries princières, celles de Schœnbrunn et du Belvédère, en Autriche, par exemple ; outre qu’elle avait été la cause de la création d’un charmant petit château de plaisance dont la décoration fut une des gloires de Mansart, elle avait permis encore à Nicasius, à Desportes et à Oudry de créer en France l’art animalier. Enfin, à son exemple, les princes, les seigneurs et jusqu’aux riches financiers ornèrent leurs jardins et leurs parcs de loges, de volières, d’enclos pour animaux étrangers, et ainsi se prépara, en France, le grand mouvement d’acclimatation et d’utilisation d’animaux étrangers qui, à la fin du XVIIIe et au début du XIXe siècle, illustra les noms de Daubenton et des Geoffroy Saint-Hilaire.


VI. — LA DESTINÉE DE L’ANCIENNE MÉNAGERIE. — ÉTAT ACTUEL

A la fin du XVIIIe siècle, la ménagerie de Versailles dépeuplée n’était donc plus qu’une ruine dont on allait se disputer les morceaux. Le Muséum réclama le matériel des logemens d’animaux, réclamation toute naturelle et pour laquelle son