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sinon entre deux doctrines politiques, du moins entre deux programmes rigides.

On ne saurait, quel que soit notre besoin de clarté, laisser supposer un instant qu’une pareille vision synthétique aurait la moindre ressemblance avec la réalité. Il faut, quand on franchit la Manche pour regarder et observer, renoncer aux lentilles convergentes. Il n’y a pas de pays au monde où il soit plus dangereux de généraliser. Les partis n’ont ni unité dogmatique, ni traditions rigoureuses. Ils n’existent qu’en tant que cadres. Leurs tendances et leurs programmes varient avec les circonscriptions. Tel projet législatif ne joue pas le même rôle, n’est pas interprété de la même manière, dans un Borough et dans un County. La politique anglaise est dominée par des conflits d’intérêts et de sentimens variables et divers, qu’il est difficile de faire rentrer dans les mailles de la logique française.

Les élections de 1910 n’échappent pas à l’application de cette loi. Leurs résultats ont été déterminés par le choc de forces économiques, pratiques et morales : ces courans d’opinion n’ont jamais eu partout ni la même forme, ni la même intensité.

Voici d’abord les traditions libre-échangistes. Elles ont joué, dans la bataille, un moindre rôle que dans la bataille de janvier 1906, où le problème des impôts sur les denrées alimentaires avait été nettement posé, devant les masses ouvrières, par l’établissement d’un droit de statistique sur les importations de blé.

Si le Free Trade a de nouveau été jeté dans la balance électorale, c’est à cause du budget. Les nouveaux impôts sur la plus-value des terres, le remaniement des droits de succession et des taxes sur le revenu, l’accroissement des charges sur le commerce des boissons alcooliques ont été présentés à l’électeur comme le seul moyen d’échapper aux tarifs douaniers qui limiteront l’entrée des denrées alimentaires. Un déficit a été creusé par les constructions navales et par les retraites ouvrières. Où prendre l’argent ? Sur la fortune des riches ou sur le budget des travailleurs ? Et pour éclairer la religion des masses populaires, on publie des tableaux comme celui-ci :