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battant tous les records antérieurs. Le chiffre des ventes anglaises, calculées par tête d’habitant, qui avait reculé progressivement depuis 1870-1874 (£ 7 sh, 7), montait presque, sans transition, à un niveau inconnu : £ 8 sh. 7 (1905-1908). Les nations rivales étaient dépassées, éclipsées, battues. Si on évalue à 100, toujours pour les mêmes années 1905-1908, la moyenne annuelle des expéditions d’origine anglaise, les Etats-Unis restent à 98 et l’Allemagne à 85. Si l’on ne tient compte que des objets ouvrés, l’avance du Royaume-Uni (100) est plus grande encore : l’Empire d’Outre-Rhin n’arrive qu’à 51, la République d’Outre-Mer qu’à 25. Que sont les 61 tonnes de la flotte yankee, les 24 tonnes de la marine allemande, comparées aux 100 tonnes de vaisseaux marchands sur lesquels flotte le rouge étendard ? Et rassuré, repris par sa terreur instinctive de tout changement, John Bull signifie un congé — provisoire — aux apôtres du protectionnisme.

Mais le courant libre-échangiste n’a plus la même intensité en janvier 1910. La période « des vaches maigres » est revenue plus tôt qu’on ne l’attendait. Les exportations, qui étaient montées de 330 millions de livres sterling en 1905 à 375 en 1906 et à 426 en 1907, retombent à 376 en 1908 et à 378 en 1909. La métallurgie est de nouveau atteinte. Les chantiers de constructions navales chôment. Les tissages du Lancashire travaillent à mi-temps. Si ces deux années mauvaises n’ont pas enrayé complètement la force libre-échangiste, c’est que la reprise des affaires s’est dessinée dès juin 1909. Les moins-values ont disparu dans les statistiques mensuelles des exportations. Le signe « plus » a réapparu dans leurs colonnes. Et on ne saurait dire de quel poids cette petite croix noire pèse dans la balance électorale. Il faut entrevoir, derrière ces deux traits, les milliards d’or et les millions d’hommes, dont ils résument l’activité et dont ils mesurent les souffrances.

Le courant libre-échangiste, qui, il y a quatre ans, balayait tout devant lui, n’a plus la même intensité en janvier 1910. Les droits sur les denrées alimentaires sont moins près. Les bénéfices des années prospères sont plus loin.

Mais les inquiétudes protectionnistes auxquelles se heurtent ces traditions économiques, cette crainte du pain cher qui