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supérieure à celle qui séparait Wilhelmshöhe de Cassel, c’est-à-dire environ cinq ou six kilomètres. Ils ne donnèrent d’ailleurs jamais lieu à la moindre critique contre eux. Lui-même n’allait jamais à la ville où la population lui était peu sympathique. Il laissait les habitans circuler dans le parc, se contentant d’une garde fort simple qui avait établi huit petits postes d’observation. Quelques agens de la police berlinoise en civil le suivaient à une distance respectueuse, quand il sortait à pied, en voiture ou à cheval. La reine Augusta, qui s’intéressait fort aux prisonniers de Wilhelmshöhe, leur avait fait envoyer toutes sortes de jeux. Les officiers préféraient le billard où ils se montraient habiles et gracieux. Monts remarque qu’ils conversaient sur des sujets en apparence indifférens, mais que les tristes nouvelles de la guerre se reflétaient sur leurs fronts. La Reine voulait adoucir à l’Empereur ce que sa captivité lui offrait de pénible et elle allait si loin dans sa sollicitude pour lui et ses compagnons que Monts s’en étonnait. « J’avoue, dit-il, que les avantages accordés aux officiers français à l’intérieur du château produisaient une moins mauvaise impression sur le peuple que leur participation aux réjouissances publiques. » On leur avait permis le théâtre et même la chasse. Il faut dire que les officiers en profitèrent peu.

Le général de Monts vante la politesse de ces messieurs et leur excellente éducation. Ils avaient cependant, dit-il, une culture bien inférieure à celle de leur maître et n’étaient intéressans que lorsqu’ils parlaient de leurs souvenirs d’Afrique, de Crimée, d’Italie, du Mexique et de Chine. Ils le faisaient sans pose et sans forfanterie. Le général Castelnau, avec lequel Monts aimait à converser, lui semblait homme de tact et de jugement. Il aimait à raconter ses entretiens avec Maximilien au Mexique, ses missions à Monaco et à Stockholm. Edgar Ney, très amateur de chevaux et de vénerie, était un officier de petite taille, aux membres délicats, aux yeux vifs, ayant les habitudes et l’éducation du monde. Le général Reille, qui avait porté à Guillaume la lettre de Napoléon III, le jour de Sedan, avait une excellente tenue militaire, la démarche virile, la parole brève et précise. Il remplissait à Wilhelmshöhe les fonctions de maréchal du Palais. Le général Pajol à la taille haute, à la carrure ferme avait l’air farouche, le teint basané, la moustache épaisse ; il imposait par son allure et son jugement franc et net. Napoléon