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l’aimait beaucoup et prenait plaisir à l’entretenir et à l’écouter. Le général de Waubert, descendant de Mme de Genlis, se faisait remarquer par ses manières agréables, sa modestie rare et son affabilité. Le prince Achille Murat, de stature élégante, le visage souriant, jeune et mondain, faisait parler de lui par ses aventures romanesques. Le commandant Hepp, très intelligent, très instruit, servait de secrétaire à l’Empereur. Il l’avait fortement aidé dans sa brochure sur la capitulation de Sedan. Cet officier, par son caractère et ses dehors, paraissait se rapprocher de la race allemande. Monts, le sachant natif de Strasbourg, pensait qu’il avait peut-être du sang germain dans les veines, ce qui ne l’empêchait pas d’être un ardent Français. Le gouverneur de Cassai, continuant à juger la suite de Napoléon, trouvait le comte Davillier, le premier écuyer, vif et affairé ; l’écuyer Raimbeaux agréable, mais d’un tempérament maladif ; le docteur Conneau ironique et malicieux, toujours prêt à la riposte ; le docteur Corvisart plus réservé et plus savant, et enfin le secrétaire intime, Franceschini Pietri, un homme, discret et absolument dévoué à son souverain.

Les visites que reçut Napoléon pendant sa captivité furent très nombreuses. Parmi les visiteurs, Monts note le gouverneur du Prince impérial, comte Clary, puis le général de Béville, la duchesse d’Hamilton. Celle-ci, sœur de la princesse de Hohenzollern, était aimable, empressée et jolie.

Un personnage politique, juif baptisé, Helwitz, mérite quelques lignes particulières. Il avait été présenté par le président du gouvernement de Cologne, M. de Bernuth, et était venu de la part de M. de Bismarck lui-même. Il fut reçu plusieurs fois par l’Empereur. Sur lui, Monts avait obtenu les renseignemens suivans : « Helwitz est l’associé d’une grande maison de commerce et était considéré comme un négociant honorable avant ses manœuvres politiques. Sa femme est de bonne famille. La vanité blessée d’Helwitz l’a jeté dans l’opposition... » Il s’était mis à la tête du parti démocratique et dirigeait une feuille avancée. On lui prêtait des aventures bizarres. Avant la guerre, il aurait déjà eu une entrevue en France avec Napoléon III, qui lui aurait proposé d’agir ouvertement dans son journal contre la politique prussienne. Helwitz aurait alors refusé. Toujours est-il qu’il reparaissait envoyé par Bismarck et qu’il priait Napoléon de déclarer si, oui ou non, il voulait, avec l’aide de Bazaine