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lui-même à Monts la fuite de l’Impératrice. Par la porte du Musée assyrien, elle s’était échappée en compagnie de Mme Le Breton, sa dame d’honneur, et du prince de Metternich. Elle était alors montée dans un fiacre et s’était fait conduire chez le docteur Evans auquel elle fit révéler sa présence. Le docteur dit à ses domestiques que deux dames de ses amies, dont l’une était indisposée, étaient survenues inopinément et allaient rester quelque temps dans son hôtel. L’Empereur entrait alors dans de longs détails sur la façon dont l’Impératrice et sa compagne avaient pu se rendre à Deauville et de là sur le yacht la Gazelle, appartenant à sir John Burgoyne. Il paraît que ce gentleman hésita quelques instans à se mêler à cette grave affaire. Il craignait que des complications politiques ne suivissent son intervention, d’autant plus que le ministère anglais s’était refusé à faire quoi que ce fût en faveur de l’Impératrice. Enfin, il se laissa fléchir par une si grande détresse et consentit à embarquer la malheureuse femme. Elle fut secrètement conduite à bord, malgré la surveillance d’espions déjà avertis. « Les élémens, racontait Napoléon, semblaient opposés aux fugitifs. Une violente tempête s’était élevée tout à coup et ballottait le yacht, long seulement de trente-cinq pieds, comme une coquille de noix. À minuit, les vagues s’abattirent sur le pont et menacèrent d’engloutir le frêle bateau et son équipage. Il résista vaillamment à ces assauts furieux et put entrer le 8 septembre, à trois heures de l’après-midi, dans le port de Ryde. Le Prince impérial était de son côté heureusement arrivé en Angleterre, et sa mère le rejoignit bientôt à Hastings, puis à Chislehurst, où le généreux propriétaire de Camden House accorda libéralement aux fugitifs la jouissance de cette villa. » Napoléon rapportait ces dramatiques événemens avec une émotion qui ne lui était pas habituelle. Cependant, il paraissait délivré d’un poids énorme, maintenant qu’il savait les siens en sécurité hors de France. « En face du destin terrible qui l’accablait, remarque Monts, toute autre voix que celle de la pitié devait se taire, car son sort était atroce et il le supportait vraiment en homme. »

L’affaire Régnier fut une de celles qui occupèrent le plus l’attention à Wilhelmshöhe. Napoléon en entretint le général de Monts, lui donnant les détails qui suivent.