sera fêlé, il reviendra aux psaumes, et son dernier ouvrage s’intitulera La Fête de Sion. Il composera même parallèlement des poésies religieuses et des poésies à boire. Parfois, il débraillera dans sa chanson les personnages de la Bible, mais sans cet esprit de libre pensée cafarde si désobligeant chez un Déranger ; il le fera en bon piétiste pour qui, comme Schück l’a justement remarqué, l’Ancien Testament n’est pas intangible.
Et partout, à travers le capiteux vacarme de son œuvre, les cloches de la mort tintent. Que de grossièretés il rachète par sa mélancolie ! La mort ne l’épouvante pas, car il sait que « la table de la Grâce est toujours mise même pour l’enfant prodigue trop longtemps attablé entre Fredman et Ulla, » cette Ulla qui rendait les vieux cabaretiers amoureux rien qu’en boutonnant son jupon autour de ses hanches. Non, l’approche de la mort ne lui communique point le tremblement de repentir qu’on sent dans la main de La Fontaine, lorsqu’il écrit sa dernière lettre à Maucroix et que, sur le point de comparaître devant Dieu, il entend déjà s’ouvrir pour lui les portes de l’éternité. Mais il ne peut oublier que la mort « a mis son sablier à côté de son verre. » Les nœuds bouffans d’Ulla ne lui cachent point « les saules funèbres où la tourterelle n’a jamais fait son nid. » Soit ! Dieu est bon, la nature est bonne, le vin est excellent. En avant les cors de chasse ! Quand ce sera le tour des orgues de l’église, nous nous remettrons à la bienveillance du Seigneur qui nous pardonnera notre vieux paganisme, parce que nous sommes pleins de candeur et d’honnêteté, — et d’une honnêteté profondément suédoise.
ANDRÉ BELLESSORT.