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L’expérience ne tarda pas à prouver la justesse de ces observations. Pour des raisons locales, la taille proportionnelle put fonctionner d’une façon satisfaisante dans certaines petites villes comme Lisieux, La Fère, Évreux ; partout ailleurs, et spécialement dans la généralité de Paris, elle échoua d’une façon complète, non pas, comme on l’a prétendu, devant l’hostilité des privilégiés qui auraient redouté de voir porter atteinte à leurs immunités, mais devant l’impuissance de l’administration à recueillir et à coordonner la masse de renseignemens nécessaires pour l’établissement des rôles. Dès la retraite du duc de Noailles en 1718, le projet fut abandonné ; il ne devait jamais être repris.


En 1733, le contrôleur Orry fit une nouvelle tentative pour remédier aux abus si crians de la taille arbitraire. S’inspirant des théories de l’abbé de Saint-Pierre, il décida de mettre à l’essai un nouveau système dit de la taille tarifée : les contribuables devaient être assujettis à souscrire une déclaration certifiée conforme de leurs revenus ; ils devaient être taxés à proportion de leurs facultés et conformément aux dispositions d’un tarif officiel. Les projets d’Orry ne purent aboutir pendant le passage de leur auteur au ministère : ils furent repris quelques années plus tard et cette fois menés à bien, grâce aux efforts d’un certain nombre d’intendans, hommes d’une haute intelligence et d’une rare énergie, comme Harlay, Tourny, les Souvigny et surtout Turgot, qui, devant l’impuissance du gouvernement à faire aboutir une solution générale, résolurent de tenter la réforme de l’impôt dans leurs circonscriptions respectives. C’est ainsi que la taille tarifée fut successivement introduite en Champagne, en Limousin, dans la généralité de Paris, en Picardie, etc.

Voici de quelle manière fonctionnait la taille tarifée dans les provinces où elle avait été établie :

A une date déterminée par l’intendant et proclamée à son de trompe, les contribuables étaient invités à formuler leurs déclarations sur des feuilles imprimées délivrées par l’administration. Des modèles différens étaient établis suivant qu’il s’agissait de propriétaires ou de fermiers, d’artisans ou de négocians. Le préambule en était solennel et rappelait les pénalités à encourir en cas de fraude :