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LE ROI ET LA REINE DE NAPLES.

sans me parler de ma santé de la manière la plus affectueuse. Tous les dimanches, tout le monde se rend chez moi en sortant de chez l’Empereur et l’Impératrice, et ces jours-là je reçois jusqu’à quinze cents personnes. J’ai une voiture à six chevaux parce que tel est le règlement général pour tous les rois et pour toutes les reines, et je ne vois rien d’humiliant en cela. Lorsque je suis arrivée, l’étiquette était de donner le tabouret. 5e n’ai eu que la peine d’en parler une fois à l’Empereur ; il a trouvé mes raisons bonnes, et nous avons eu sur-le-champ des chaises. Il n’y a encore rien d’humiliant dans cette étiquette, et je trouve très juste qu’il y ait une différence entre l’Empereur et nous. Ces différences me semblent très naturelles, et je ne puis croire que ce soit là ce que tu appelles des humiliations. Il n’y a que moi ici de princesse qui aie des pages, et lorsque je vais dîner chez Hortense ou chez Pauline qui n’en ont pas, je suis la seule à table qui soit servie par un page. Je suis également la seule qui aie une voiture de suite et toujours un écuyer à ma portière.

« Tu me parles de fauteuil, et tu as fait ôter le mien partout où il se trouvait comme si j’étais morte. Ton fauteuil a été oublié une fois au théâtre, mais il était dans la grande loge où se trouvaient les princes, et j’étais seule en bas, non en représentation, mais pour me reposer parce que je dansais, et encore cette omission n’a eu lieu que là et cette seule fois, au lieu que le mien a été enlevé de mes appartenons et de partout. Ne me parle pas d’humiliations, c’est à Naples que j’en ai eu, mais je n’en éprouve ici d’aucune espèce, et il est impossible d’y avoir plus de considération. J’ai même ici beaucoup plus de crédit qu’à Naples, car je n’ai qu’à demander aux ministres des places pour les obtenir. Ils font tout pour me faire plaisir, et tu dois bien savoir quelle, était ma nullité à Naples, et qu’il suffisait de m’appartenir pour être mal vu et déplacé. »

Ces amers retours sur le passé s’accompagnaient chez la Reine d’un persistant effort contre ses ennemis de là-bas, Napolitains ou Français, tous artisans de ses précédentes disgrâces, mauvais génies du Roi et du royaume. Forte de son crédit en France, elle essaie de perdre ses ennemis de Naples et de libérer d’eux son mari, soit en provoquant très discrètement l’intervention de l’Empereur, soit en agissant auprès de Murat par travail adroitement calculé. Sa manière est très fine, car elle est aussi habile à nuire qu’à charmer. Point d’attaques trop