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rénove ses titres à la gratitude impériale et par lequel l’accord se restaure pleinement. La Reine désire donc qu’il fasse campagne et y aspire de toutes ses forces. D’après son avis, Murat doit demander à l’Empereur de l’appeler ; il doit s’offrir, mais s’offrir opportunément, au bon moment, sans retard malséant et sans une précipitation indiscrète qui diminuerait le prix de son concours. Sur ce qu’il convient de dire à l’Empereur, elle fait la leçon à son mari, en se donnant comme de raison l’air de la lui demander.

D’abord, elle veut s’éclairer sur les véritables intentions du Roi, qui lui demeurent obscures ; il importe qu’en matière si grave, aucun malentendu ne subsiste entre les époux :

« 13 janvier. — Mon cher ami, ou je me suis mal expliquée sur ma demande si tu voulais faire la guerre, ou tu ne m’as pas comprise. Dans le temps où il n’en était pas question, il était mal à toi de dire à chaque instant : « Sire, je dépose ma couronne, je vais faire la guerre avec vous. » Ce n’était pas le cas. À présent, je te demande si, dans le cas que la guerre ait lieu et que tu veuilles la faire, il serait bien que tu m’envoies une lettre que je pourrais montrer à l’Empereur et qui dirait positivement que tu consens à faire la guerre, si telle est ton intention, si cela entre dans tes vues, et si tu crois que cela puisse te convenir. Examine bien, réfléchis bien avant et sois sûr que je n’agirais que convenablement et que la lettre à l’Empereur ne sera présentée qu’au moment nécessaire, et qu’alors on ne pourra t’accuser ni de présomption ni d’autre chose. Tu as tort de croire que tu ne conserves plus ton franc parler ; l’Empereur t’écoutera toujours avec la même bonté lorsque tu ne diras que les choses qui pourront lui convenir, lorsque tu n’auras plus cinquante personnes à te prôner, comme si en quelque sorte tu faisais un parti contraire, comme par exemple Aymé, Lavauguyon qui s’avisait d’écrire des nouvelles de Paris, ce qui faisait de la peine à l’Empereur. Ainsi, mon cher ami, lorsque tu seras décidé, écris à l’Empereur ou à moi, envoie-moi la lettre, je choisirai le moment favorable pour la montrer, et crois qu’en fidèle ambassadrice, je serai bien heureuse de ne faire que ta volonté. Au reste, faire ton bonheur, n’est-ce pas assurer le mien ? Mais il faut que tu t’en expliques promptement, car, si l’Empereur me parlait, je ne saurais que lui dire… »

Au reçu de ces lignes, Murat écrivit à l’Empereur, en termes