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Page:Revue des Deux Mondes - 1910 - tome 56.djvu/79

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LE ROI ET LA REINE DE NAPLES.

passionnés, pour lui exprimer son désir de faire la guerre. Dans ses lettres à la Reine, il se montrait beaucoup moins décidé. En fait, s’il voulait combattre, son intention était d’abord de se marchander, d’obtenir au prix de son concours personnel des allégemens pour le royaume ; il sollicitait une réduction du contingent napolitain et proposait des combinaisons savantes pour restreindre l’effectif naval qu’il devait à la France. Napoléon voulait qu’il vînt gratuitement et de bon cœur, sans conditions. Alors commence un jeu curieux, une interversion des rôles. À mesure que Murat se sentant nécessaire soulève des difficultés, c’est Napoléon maintenant qui fait des avances verbales et se prodigue en paroles câlines : « J’aurais été bien aise, — écrit Caroline le 16 mars, — que tu eusses été hier dans un petit coin pour entendre ce que disait l’Empereur sur toi. Il était d’une amabilité parfaite et il disait mille biens de toi… » Parfois, pour mieux attirer l’autre, Napoléon l’aguiche de paroles de doute ; il fait semblant de ne pas croire à ces belliqueuses ardeurs, à ce feu d’amour et de dévouement qu’on dirait maintenant refroidi ; c’est à son tour de jouer l’amitié déçue et d’adopter le ton sentimental : est-ce que vraiment Mural ne l’aime plus et a perdu le souvenir des grandes confraternités d’autrefois ? non, il ne l’aime plus, puisqu’il s’offre des lèvres et non du cœur ; dès lors, pourquoi l’appeler ?

« 12 mars. — L’Empereur n’a encore rien décidé par rapport à toi ; ton envie d’aller avec lui le comble de plaisir ; cependant, au milieu de tout cela, il persiste à penser que tu ne désires pas faire la guerre. Il m’a dit : « Si le Roi veut venir, que deviendra son royaume ? Vous me dites qu’il veut faire la guerre, montrez-moi la lettre dans laquelle il en parle. » Je suis embarrassée de lui répondre, car tes lettres ne me témoignent pas ce désir violent de faire la guerre ; cependant, j’ai dit à l’Empereur que ton désir, ta volonté d’acquérir de la gloire te portaient à vouloir faire encore une campagne à ses côtés. « Vous vous trompez, me dit-il, le Roi ne veut pas faire la guerre, il me l’écrit, mais il ne le pense pas, il aime mieux son royaume que moi ; il ne veut pas le quitter. » Alors je lui répète ce que je pense de ton attachement pour lui ; il me dit : « Je le crois, cela doit être, il est brave, il a fait tant de campagnes avec moi, il m’est si attaché. » Et de là il ne tarit plus en éloges sur ton compte, il parle des batailles passées, des affaires où tu t’es