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Page:Revue des Deux Mondes - 1910 - tome 56.djvu/871

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et les longueurs de la guerre qui commençait. Consciemment, volontairement, le parti national-libéral engageait la patrie allemande dans une série de bagarres religieuses.


IX

C’est à Lutz, ministre de la catholique Bavière, que revint la mission de présider et de justifier cette manœuvre. Le Reichstag l’entendit expliquer que l’Empire, formant un tout organique, devait marcher au secours d’un de ses membres souffrans, le royaume de Bavière, mis à mal par les ambitions de l’Eglise. Le placet, le recours comme d’abus, s’étaient décidément révélés incompatibles avec l’esprit de l’Etat moderne. Mais avant de rendre l’Eglise libre, il fallait élever, en face d’elle, des boulevards protecteurs de l’Etat. Lutz dénonçait la transformation en dogmes des antiques idées théocratiques, l’existence d’un nouveau clergé jésuitisé, qui courtisait les masses, et le terrorisme, enfin, que faisait peser la presse ultramontaine sur les prêtres d’humeur indépendante. « Autant de raisons, disait-il, pour consolider le terrain de l’Etat. »

Le paragraphe pénal qu’il proposait frappait l’ecclésiastique qui ferait de la politique en chaire, « de manière à mettre en danger la tranquillité publique : » un emprisonnement pouvant durer jusqu’à deux ans châtierait ce délit.

Onze mois seulement après la fondation de l’Empire, la catholique Bavière, aux applaudissemens des nationaux-libéraux, suppliait le Parlement impérial de l’aider à se défendre contre l’Eglise. Lorsque de la guerre étrangère était sortie l’unité allemande, la Bavière n’avait dit oui qu’à contre-cœur ; elle était la première, aujourd’hui, à se réclamer de cette unité, à l’invoquer, à la sceller, en vue d’une guerre intérieure où, fièrement, elle occupait les avant-postes. Le national-libéral Vœlk, dans une phrase imagée, soulignait l’importance de cette démarche : « Si un fier lion comme le lion bavarois, s’écriait-il, se réfugie sous les serres de l’aigle, c’est que le péril est pressant. » C’est en regardant la France que le reste de l’Allemagne avait acclamé l’Empire : c’est en regardant l’Église, et en la bravant, que la Bavière survenait à son tour, suppliante volontairement humiliée, pour rendre à la force et au droit de l’Empire un hommage imprévu, inespéré.