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on laïcisât l’état civil et le mariage, qu’on supprimât la surveillance du prêtre sur recelé publique, qu’on rendît l’enseignement religieux facultatif, qu’on supprimât du budget toute dotation pour les Eglises ; il appartenait à cette école radicale qui souhaitait, entre l’État et les Eglises, une séparation à peu près libérale. Mais ni les membres du Centre, ni les nationaux-libéraux n’acceptaient ce programme, les premiers par principe, de peur de hâter ainsi la déchristianisation de l’Etat, les seconds par tactique, de peur que l’émancipation de l’Église, comportant la liberté de l’enseignement privé et la liberté d’association, ne rendît l’« ultramontanisme » plus fort et plus rayonnant.

Le paragraphe pénal réclamé par la Bavière, et qu’on nomma paragraphe de la chaire, fut voté par 179 voix contre 108. L’unanimité des nationaux-libéraux, hormis Lasker, appartenait à cette majorité de combat qui, victorieusement, faisait l’épreuve de ses forces. En fait, les démarches bavaroises avaient permis à cette majorité de se donner à elle-même le spectacle d’une revue d’essai : le paragraphe, dans les cinq ans qui suivirent, fut appliqué deux fois en Silésie, deux fois sur le Rhin, deux fois en Westphalie, et pas une seule fois dans le royaume même de Bavière. Une arme dont on devait faire un si rare usage ne pouvait passer pour bien efficace, ni pour bien décisive ; et peu s’en fallut qu’au moment même où on la forgeait, on ne rougît de cette besogne. On chuchotait, avec une demi-honte, que c’était une bien mesquine façon d’ouvrir le grand duel historique entre l’Église et l’État.

De bons juges, nullement suspects de tiédeur, estimaient imprudent de peindre le mal ultramontain sous des couleurs aussi sombres que l’avait fait Lutz, alors qu’en définitive il faudrait vivre avec ce mal. Hohenlohe entendait les diplomates flétrir la conduite de Lutz, et d’aucuns prétendaient que Lutz vainqueur était le premier à se repentir de la bataille livrée.

Mais l’effet était produit, et il devait durer ; des formules passionnées avaient été lancées, dont on ne pourrait plus arrêter les ravages. « Ici en Hesse, écrivait Ketteler, nous sommes maintenant tout à fait à la remorque de Berlin, et Dieu sait ce qui nous attend. » La catholique Germania était prohibée en Alsace. La Chambre badoise, en décembre, stipulait que certaines condamnations pénales, auxquelles le code criminel de l’Empire attachait comme conséquence la déchéance des emplois civils.