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Page:Revue des Deux Mondes - 1910 - tome 56.djvu/903

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Christianisme n’a eu sur lui aucun effet direct : on a remarqué qu’il ne l’avait pas cité une seule fois, dans le traité qu’il a consacré à la défense de la morale catholique et qui parut dès 1819. C’est qu’il y a là deux conceptions irréductibles l’une à l’autre ; Manzoni diffère de Chateaubriand dans la mesure où l’écrivain français s’éloigne du pur esprit de la doctrine, tandis que l’écrivain italien y demeure attaché. Que l’on compare la position que prend Chateaubriand dans ses « Beautés de la religion chrétienne » à celle que choisit Manzoni dans sa réfutation de Sismondi. Rien d’esthétique ou de sentimental chez lui ; rien que de rigoureusement dogmatique et moral : « Vous nous reprochez de ramener toute notre vie morale à l’exécution des volontés supposées de Dieu ? Mais ces volontés ne sont pas supposées ; elles sont certaines, puisqu’elles ont été révélées. Ceci posé, je veux bien répondre à vos attaques, et prouver par des argumens humains que la morale catholique est la meilleure de toutes, qu’il ne peut y en avoir d’autre. D’abord, la plupart des reproches que vous faites à l’Église ne tombent pas sur elle-même, mais sur les hommes qui l’ont mal servie, qui l’ont trahie ; ensuite, le mal n’est pas aussi grand que vous le dites ; pour ma part, cette corruption des esprits, je la vois tout à fait exceptionnelle, je vois dans notre Italie une masse d’humanité fraîche et pure à laquelle notre doctrine assure la paix et la force. »

Le même esprit qui inspire sa croyance, anime aussi son lyrisme. La foi qui se manifeste dans les hymnes est celle d’un chrétien des premiers siècles, par le choix des sujets, qui célèbrent pieusement les fêtes de l’Eglise ; par les sentimens exprimés, les plus simples et les plus traditionnels ; surtout par leur caractère de généralité et d’impersonnalité, qui unissent l’auteur au chœur des fidèles chantant inlassablement les louanges de la Vierge et de l’Enfant Jésus. Le but n’est pas de rajeunir, de transformer, de prendre les choses par un côté nouveau, dont l’inattendu et le charme semblent vouloir dissimuler le dogme antique. Il suffit d’exposer la foi chrétienne telle qu’elle est ; pour quelle recommence à conquérir les cœurs, point n’est besoin de l’orner et de l’embellir ; sa vertu agit par elle-même. La vérité est éternelle, il s’agit seulement de la faire connaître aux hommes de bonne volonté.

N’étant ni l’un ni l’autre des théologiens, ni des spécialistes en matière religieuse, il faut bien qu’ils aient tous deux recours à