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Page:Revue des Deux Mondes - 1910 - tome 56.djvu/908

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spécialistes, comme le général Susane, persistaient à soutenir l’efficacité et qui, dans les diverses batailles contre les Prussiens, ne put envoyer des obus qu’à 3 000 mètres, tandis qu’il en recevait venant de 5 000 mètres, ce qui le forçait à s’avancer sur la ligne du feu et l’exposait à être rapidement détruit. Napoléon III s’en était rendu compte avant les hostilités, mais sans pouvoir triompher de l’inertie des Comités et des Commissions techniques. Il convient de rappeler que l’Empereur, en décembre 1868, avait chargé le colonel de Reffye, l’inventeur de la mitrailleuse, d’établir, aux frais de sa cassette particulière, deux modèles de canons de campagne se chargeant par la culasse. Le problème était résolu en mai 1870, comme le prouvèrent les essais faits à Versailles sur deux pièces de 7 et deux pièces de 4. Si l’initiative impériale avait été comprise à temps et secondée par les organes du ministère de la Guerre, si le souverain avait eu assez de force pour imposer sa volonté et s’il avait pu vaincre les lenteurs des bureaux compétens, nous aurions pu opposer aux Allemands une artillerie au moins aussi puissante que la leur[1]. Napoléon voulut un jour à Wilhelmshöhe voir de près le nouveau canon prussien et obtint qu’un officier de l’artillerie allemande, le capitaine de Spangenberg, vînt avec une batterie dans la cour de la caserne voisine du château. « Napoléon examina attentivement la construction du canon et en fit l’objet d’une longue discussion avec Monts et Spangenberg. Il trouvait grand intérêt à la structure de l’âme du canon et à la fermeture de la culasse. Il ne négligea aucun détail : affûts, harnais, attelage, servans, équipement ; tout fut l’objet d’une observation méticuleuse. Quand la visite des pièces fut terminée, l’Empereur offrit un lunch aux officiers d’artillerie et conversa avec eux sur les questions de leur métier. » Monts eut alors l’occasion de remarquer sa connaissance parfaite de la langue allemande. Cet entretien et l’examen du canon qui l’avait précédé firent une grande impression sur les officiers de Cassel ; on en par la longtemps dans les cercles militaires. Monts ne cesse d’ailleurs de mentionner les questions multipliées que lui faisait à tout instant Napoléon III sur les moindres détails des armées allemandes.

Après la capitulation de Metz, l’Empereur demanda au roi

  1. Voyez le discours du général Langlois au Sénat, le 31 mars 1910.