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au profit exclusif d’une grande puissance et que si les provinces limitrophes eussent demandé librement leur annexion à notre pays. Il reconnaissait que le conflit actuel avait pour causes : la situation géographique de la Prusse, les vœux de l’Allemagne pour son unité, la nécessité pour l’Italie d’assurer son indépendance. Il aurait, dans la Conférence, désiré pour les États secondaires de la Confédération germanique une union plus intime et un rôle plus important ; plus d’homogénéité et de force dans le Nord pour la Prusse et enfin pour l’Autriche le maintien de sa grande situation en Allemagne, mais à la condition que l’Autriche cédât la Vénétie à l’Italie. Puisque le sort des armes allait décider de toutes ces questions, la France devait s’appliquer à tâcher de maintenir l’équilibre européen et l’œuvre édifiée en Italie. L’Empereur se croyait assuré, par les déclarations des Cours engagées dans le conflit, « que quel que fût le résultat de la guerre, aucune des questions qui toucheraient la France ne serait résolue sans son assentiment. »

Avant de s’engager dans la lutte, le roi de Prusse écrivit secrètement à Napoléon pour connaître ses intentions et pour s’entendre avec lui. Celui-ci répondit au Roi que les deux souverains pourraient compter sur sa bonne foi et sur son désir de maintenir entre eux, quoi qu’il advînt, les rapports les plus amicaux. Il finit par promettre sa neutralité absolue, et c’est cette neutralité qui permit à la Prusse d’entrer délibérément en campagne. Ce fut alors que M. de Bismarck crut pouvoir dire à Benedetti : « Notre confiance dans votre gouvernement est si grande que nous ne laissons pas un soldat sur la rive gauche du Rhin. »

Napoléon reconnaît que les rapides succès de la Prusse étonnèrent le monde et émurent la France. « On vit alors, dit-il, les hommes naguère les plus pacifiques accourir chez l’Empereur pour l’engager à convoquer le Corps législatif, à appeler les réserves sous les armes et à déclarer la guerre à la Prusse, pendant que ses principales forces étaient occupées sur le Danube. L’Empereur se refusa à suivre le conseil que le Grand Frédéric donne dans ses Mémoires, lorsqu’il prétend qu’un souverain n’est pas, « comme un simple particulier, obligé de tenir parole et qu’il est autorisé à y manquer quand l’intérêt de son pays l’exige. » Napoléon regardait l’agitation publique comme une erreur, et pour répondre aux attaques que soulevait sa politique