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d’illusions et de chimères, il entreprit de prouver que ce n’était pas par faiblesse, mais par conviction, qu’il avait facilité en Europe la reconstitution des grandes nations. Il mit ses idées et ses actes sous l’invocation de son oncle et dit à l’ouverture de la session, le 14 février 1867, que les prévisions île Napoléon Ier s’accomplissaient, c’est-à-dire la concentration des peuples morcelés par la révolution et la politique. Il répéta ses paroles à Sainte-Hélène : « Les transformations qui ont eu lieu en Italie et en Allemagne préparent la réalisation de ce vaste programme de l’union des États de l’Europe dans une seule Confédération. »

Napoléon s’attachait à cette politique avec une singulière insistance, et pour que nul ne pût en Europe se tromper sur ses intentions, il fit adresser, le 16 septembre 1867, à nos agens diplomatiques une circulaire qui, à 1 époque, fut très remarquée. Il dit lui-même qu’elle fut presque entièrement rédigée de sa main. La guerre de 1866 avait donné à la Prusse la domination sur la rive droite du Mein et enlevé la Vénétie à l’Autriche, désormais séparée de l’Allemagne. L’opinion française, il l’avouait, était émue. Elle se demandait si la puissance prussienne n’allait pas prendre des proportions excessives, et si l’Italie affranchie n’allait pas menacer la sécurité du Saint-Siège. Faisant alors une sorte de revue du passé depuis 1815, l’Empereur remarquait que la Sainte-Alliance avait réuni contre la France tous les peuples depuis l’Oural jusqu’au Rhin. La Confédération germanique, forte de 80 millions d’habitans, s’étendait du Luxembourg à Trieste et de la Baltique à Trente, entourant la France d’une ceinture de fer. L’Allemagne autrichienne pouvait s’avancer jusqu’aux Alpes, et l’Allemagne prussienne mettait les Etats secondaires en avant-garde sur le Rhin. Aucune alliance, sauf celle de l’Espagne, n’était à espérer pour nous sur le continent. L’Italie était morcelée, la Prusse pas assez compacte, l’Autriche préoccupée uniquement de conserver ses possessions italiennes. Les trois cours du Nord étaient de fait unies contre nous par le souvenir de défaites et de victoires communes.

Mais, en 1867, cette coalition était brisée. Le principe nouveau de l’Europe était la liberté des alliances et toutes les grandes puissances semblaient rendues à la plénitude d’une action libre. « La Prusse agrandie, libre désormais de toute solidarité, disait Napoléon III, dans l’étude écrite par lui à Wilhelmshöhe, assure