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des populations. » Pendant qu’il cherchait à accréditer cette vérité que la grandeur et la prospérité des Etats voisins n’étaient pas un obstacle à la grandeur et à la prospérité de la France, il voyait ses intentions méconnues et il reprochait à l’opposition de continuer son œuvre de dissolution et de dénigrement. Il se plaignait que Thiers déclarât que la victoire de Kœniggrætz eût été le coup le plus funeste porté à notre influence et eût dit que la grandeur et la sécurité de la France étaient incompatibles avec l’existence des grands Etats établis à ses frontières. Il regrettait « cette tactique qui consistait à faire croire au pays qu’il avait été profondément abaissé, que la journée de Sadowa avait été pour lui un second Waterloo et à ne pas vouloir qu’il tentât du moins de se relever aux yeux du monde. » Il blâmait la presse de s’être mise à l’unisson de la tribune dans cette polémique provocatrice et injuste. On sait quel nouveau coup porta au prestige impérial l’échec de ses prétentions sur le Luxembourg et combien il fut facile à ses adversaires de montrer quel était le fruit de tant de condescendance envers la Prusse. L’Empereur lui-même avoue qu’il en éprouva un profond désappointement. « Il sentit, dit-il, dans cette étude des Relations de la France avec l’Allemagne, que la politique qu’il avait suivie envers l’Allemagne venait de recevoir une atteinte difficile à réparer. L’opposition semblait avoir eu raison. M. Thiers triomphait, et il devenait plus difficile de prouver que ses sinistres préventions étaient injustes et mal fondées. »

Sur ce, voyant ses intentions méconnues et par cela même son prestige affaibli. Napoléon résolut d’augmenter les pouvoirs du Parlement, afin de lui laisser une plus grande part de responsabilité dans la conduite des affaires. Il forma alors un gouvernement purement constitutionnel pour rendre la nation maîtresse de ses destinées. L’année 1870 paraissait s’annoncer sous des auspices favorables et le régime libéral appelé à développer tranquillement les ressources matérielles et morales du pays.

Comment l’orage éclata-t-il tout à coup ? L’Empereur en accuse l’opposition qui n’avait cessé de se plaindre de l’accroissement de la puissance prussienne et d’accuser le gouvernement d’avoir trahi les intérêts de la France. « Ce n’était pas en vain, dit-il, que depuis quatre ans l’opposition avait accusé le gouvernement de trahir les véritables intérêts de la France en montrant tant de modération et tant de longanimité vis-à-vis