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point les amoindrir ne peuvent garantir que la paix soit durable. » L’Empereur avait un instant espéré que le roi Guillaume favoriserait lui-même le rétablissement de l’Empire, en lui rendant son armée. Monts pensait de son côté que l’armée délivrée aurait été grossir les troupes de la Défense nationale et aurait rendu les derniers mois de la campagne encore plus difficiles pour les Allemands.

Le 2 mars, la ville de Cassel apprit le vote des préliminaires de paix par l’Assemblée nationale à Bordeaux. Les cloches et les canons, les drapeaux arborés aux édifices publics et à toutes les fenêtres annoncèrent l’allégresse universelle. « Un grand et noble sentiment, écrit Monts, pénétrait tous les cœurs allemands, et chacun comprenait que le nouvel Empereur avait parfaitement rendu la pensée de tout son peuple en s’écriant : « Dieu a fait pour nous de grandes choses !... »

La tristesse était profonde à Wilhelmshöhe. La plupart des officiers se demandaient ce qu’ils allaient devenir, sans appui et sans ressources, en France. Le ressentiment des prisonniers français à Cassel était porté à l’extrême contre Bazaine. On le menaçait publiquement, et le traître s’inquiétait de ces démonstrations. A Monts qui lui demandait s’il allait rentrer dans son pays : « Non, non, répondit-il, je n’ai nulle envie de me faire mettre en pièces ! » Il songeait à aller provisoirement en Suisse avec les siens. Il prédisait mille malheurs à la France, le renversement du gouvernement, l’arrivée de la République rouge, la ruine universelle de la nation. « Quand je lui dis que l’Allemagne avait l’intention d’occuper le Nord-Est de la France, il s’écria : « Vous faites bien ! Vous faites très bien !... » Encouragement tout à fait digne de celui qui le donnait !

L’autorisation de mettre en liberté les prisonniers de Wilhelmshöhe n’était pas encore arrivée. Bismarck avait alors l’intention de ne laisser délivrer Napoléon qu’après la conclusion définitive de la paix, de crainte que des difficultés nouvelles ne vinssent troubler ses desseins politiques extérieurs.

À ce moment parut une pétition « dite de l’Armée française » en faveur de Napoléon III et rédigée par des officiers en captivité à Cassel. C’était en réalité l’œuvre de Pietri, de Mets, de l’industriel Pommier, du sieur Dohet de Bruxelles et de l’écuyer Raimbeaux, rédacteur en chef du Drapeau et successeur de Conti, élu député par la Corse. Quelques jours après, fut