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Page:Revue des Deux Mondes - 1910 - tome 56.djvu/929

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publiée la protestation de Napoléon III contre le vote de déchéance par l’Assemblée nationale et adressée au président Jules Grévy. L’Empereur jugeait ce vote injuste et illégal, parce qu’il avait été obligé de céder à l’élan irrésistible de l’opinion publique en faveur de la guerre, et parce que l’Assemblée avait outrepassé ses pouvoirs en décidant des questions hors de sa compétence. Il déclarait qu’il ne s’inclinerait que devant la libre expression de la volonté nationale. Or, jamais élections n’avaient été plus libres, et l’Assemblée, dont il contestait les pouvoirs, montra qu’elle était bien un corps constituant représentant les volontés du pays, puisqu’elle organisa la Constitution de 1875 et fonda la République. La protestation de l’Empereur fut lancée à Paris et dans les départemens et n’y produisit aucune impression, tant l’opinion à cette époque, blessée cruellement par les malheurs de la guerre, était contraire au gouvernement impérial.

Comme Monts s’étonnait que Napoléon III n’eût pas encore été averti de sa prochaine libération, ordre lui fut donné, si on le questionnait à cet égard, de se tenir sur la réserve et de se garder de toute initiative. Il comprit que le gouvernement allemand, après avoir conclu la paix avec la République, avait pris l’engagement de ne pas lui créer de nouveaux embarras. On craignait que l’Empereur ne reparût tout à coup en France, comme jadis son oncle en 1815, et ne groupât autour de lui un certain nombre de partisans restés fidèles à sa cause.

L’arrivée de l’empereur Guillaume à Francfort-sur-le-Mein avait été annoncée pour le 15 mars. Ce jour-là. Monts s’y rendit et trouva la grande ville tout en fête, ornée de drapeaux et d’arcs de triomphe. Le souverain fut reçu par une foule enthousiaste, ivre d’allégresse, qui l’acclamait et l’entourait d’ovations sans fin. Le soir, pendant que les rues et les places étincelaient d’illuminations féeriques, pendant qu’au Rœmer, Guillaume Ier recevait les hommages et les félicitations de la haute société et des principaux personnages de Francfort, Monts fut averti que Guillaume voulait lui parler en secret. L’emmenant dans une salle écartée, l’Empereur lui dit qu’il aurait désiré délivrer Napoléon III aussitôt après le vote des préliminaires de paix, mais que le chancelier s’y était opposé. Monts se permit de faire observer que le comte de Bismarck venait de mander lui-même le général Castelnau à Berlin pour l’entretenir d’une affaire