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REVUE DRAMATIQUE


:Théâtre Sarah-Bernhardt : La Beffa, drame en quatre actes en vers, de M. Sem Benelli, transposition en vers français de M. Jean Richepin. 


Qu’on dise après cela que le drame en vers est un genre suranné ! Presque au lendemain de Chantecler, nous entendions La Beffa au Théâtre Sarah-Bernhardt. Cependant, au Théâtre-Antoine un jeune poète de talent faisait représenter sous ce titre : 1812, une sorte de roman d’Erckmann-Chatrian mis en vers. L’inspiration de cette pièce peu belliqueuse eût déchaîné, voilà seulement quelques années, des enthousiasmes. Aujourd’hui nous ne pensons plus que cet étalage des horreurs de la guerre soit de circonstance. Ce n’est pas le rôle de la poésie de débiliter les courages, c’est même le contraire de son rôle historique. Et la guerre pouvant toujours, dans la vie d’une nation, être la réalité de demain, il importe quelle nous trouve prêts à l’accueillir sans tristesse ; car ce qu’on fait tristement, on le fait mal. Après 1812, qui est comme le roman en vers au théâtre, il n’est pas jusqu’à la tragédie qui, avec la Sophonisbe de M. Poizat, n’ait reparu. Et nous ne sommes pas au bout de l’énumération. On répète une pièce en vers à la Comédie-Française ; on va jouer au théâtre Sarah-Bernhardt le Bois Sacré d’Edmond Rostand. C’est toute la lyre, ou du moins ce sont toutes les yres. Nous n’avons signifié son congé au vers que pour la comédie de mœurs ; je ne suis pas sûr que ce fût nécessaire, mais c’est un fait. Ce n’est pas assez de Ure que nous admettons encore la forme versifiée au théâtre ; elle nous est restée particulièrement chère ; elle remue en nous toutes sortes de souvenirs, elle nous réjouit dans une habitude héritée de toutes les générations qui nous ont précédés et qui, pendant des siècles, n’ont pas toléré qu’un drame non plus qu’une comédie fût écrit en prose ; or, on sait pour combien entre l’habitude