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Page:Revue des Deux Mondes - 1910 - tome 56.djvu/963

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REVUE. — CHRONIQUE.

Personne ne croit au succès de la grève générale : il y aura seulement quelques misères de plus. Il a suffi au gouvernement de montrer de l’énergie pour dissiper les fantômes devant lesquels il a si souvent reculé. Puisse-t-il profiter de cette expérience ! Bien des choses, alors, changeront en France. M. Briand a dit à Saint-Chamond qu’il saurait maintenir l’ordre. Bien qu’il y ait eu quelques troubles à Saint-Chamond, il parlait surtout pour Marseille. Sa voix y a été sans doute entendue.


La crise ministérielle italienne s’est terminée dans des conditions différentes de celles que nous avions indiquées comme logiques : ou un ministère Giolitti. puisque M. Giolitti était le seul homme qui put avoir une majorité dans la Chambre ; ou un ministère neutre et effacé que M. Giolitti laisserait vivre jusqu’au moment où il jugerait à propos de reprendre le pouvoir. Les choses ne se sont pas passées ainsi. M. Giolitti a continué de se tenir à l’écart, mais le nouveau Cabinet a été formé par M. Luzzatti, qui peut, dans une certaine mesure, pratiquer la neutralité entre les partis et qui essaiera de le faire, — la composition très éclectique de son ministère en est la preuve, — mais qui est un homme trop considérable pour avoir un caractère effacé. M. Luzzatti est même, de tous les hommes d’État italiens, celui qui est le plus connu à l’étranger : il l’est particulièrement chez nous où il compte un grand nombre d’amis. Il a toujours témoigné à la France des sympathies que celle-ci lui a rendues. En Italie, M. Luzzatti appartient à la droite ; mais, en réalité, l’élévation philosophique de son esprit le rend indépendant des partis trop strictement limités, et il n’a jamais cherché à être le chef de l’un d’eux, ni même à en former un autour de lui. Financier très habile, très pratique, nul n’a contribué plus que lui au relèvement des finances italiennes ; économiste éminent, professeur éloquent, publiciste auquel toutes les grandes idées sont familières, il aborde aujourd’hui un rôle nouveau puisqu’il a accepté la charge du gouvernement dans son ensemble. Il faut l’attendre à l’œuvre pour savoir comment il s’acquittera de sa tâche, mais il le fera certainement avec honneur. Son originalité est de s’être toujours plus préoccupé des principes et de leurs applications que des groupemens politiques, et ce qui peut-être, en d’autres circonstances, aurait été pour Im une faiblesse, est aujourd’hui une force : il a pu en effet, mieux que tout autre sans doute n’aurait pu le faire, appeler à lai tous les concours et en obtenir beaucoup.

Nous disons de M. Luzzatti qu’il est avant tout un homme de principes.