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à Robert de Saarbrück, au titre de sa femme. Leva-t-elle les yeux vers ces tours massives dont l’ombre planait, en quelque sorte, sur la contrée ?

On dirait que ce nom doit la suivre jusqu’au bout ; car le sire de Commercy est l’allié de ce Jean de Luxembourg, seigneur de Beaurevoir, qui disposa du sort de Jeanne après Compiègne et qui la livra aux Anglais[1].

Commercy, Roucy, Vergy, Proisy, Luxembourg, ces noms des provinces limitrophes reviennent, sans cesse, dans l’histoire de Jeanne d’Arc. La France devait lui paraître un lieu assez resserré où les mêmes familles, les mêmes intérêts se retrouvent toujours dans leurs ramifications et leurs complexités emmêlées.

Mais, en somme, au-dessus de tout cela, pour le peuple foulé par les uns, pillé par les autres, il n’y avait qu’une Majesté, le Roi. C’est à ce recours suprême qu’il fallait en venir pour sauver le pays et pour sauver la foi, comme le père de Jeanne l’avait fait, en implorant la justice du magistrat et comme la mère de Jeanne l’avait fait en priant au sanctuaire de Notre-Dame du Puy.

Pourquoi chercher d’autres influences ou d’autres préparations humaines ? Jeanne n’a qu’à regarder autour d’elle et recueillir ce que les exemples du foyer lui enseignent. Sa mère, son père, ont été, avant l’apparition de l’archange, ses seuls maîtres.

Cependant, Vaucouleurs tenait encore et, si le pays souffrait des guerres particulières, il n’avait pas encore été atteint par la désolation qui ravageait le reste du royaume.

Le coup fut frappé le jour où, par délibération du Grand Conseil, au nom du roi Henri VI, une opération d’ensemble fut ordonnée contre les places qui restaient fidèles à la cause française dans la région de l’Est. Des troupes furent levées, des contributions de guerre imposées sur les provinces limitrophes. Antoine de Vergy, capitaine et gouverneur général des provinces

  1. Biographie universelle ; voyez aussi De Pange, le Pays de Jeanne d’Arc, p. 32. — Tout de suite après le traité de Troyes qui en 1420), (Jeanne avait dix ans), Luxembourg et Beauchamp-Warwick avaient attaqué Gondrecourt. Ce sont les premiers noms ennemis qu’elle entendit prononcer. Ces chefs, elle devait les retrouver à Rouen. — On a signalé aussi le rôle joué par le duc Louis d’Orléans dans les affaires de Lorraine à l’encontre du duc Charles, hostile à la cause française ; ce qui expliquerait l’attachement tout particulier que montra Jeanne d’Arc pour ce nom d’Orléans et pour le duc Charles, prisonnier en Angleterre.