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de Champagne et de Brie, eut mandat d’exécuter la volonté royale (août 1427), et il reçut l’aide de l’homme fatidique, Jean de Luxembourg, seigneur de Beaurevoir (janvier 1428).

Bientôt, toutes les places qui subsistaient dans la région de l’Aisne et de la Meuse furent réduites[1]. M. P. Champion explique très exactement la situation des partis quand il dit ; « C’est aux efforts des Bourguignons et des Lorrains coalisés que l’on dut la chute des dernières places françaises. » En effet, sur l’ordre de l’Angleterre, les Français combattaient contre les Français !

La place de Vaucouleurs reste seule, de toute la région, aux mains des partisans du roi de France. Le 22 juin 1428, Henri VI chargeait Antoine de Vergy de lever un corps de mille hommes pour la réduire en son obéissance.

Comment ne pas être frappé des coïncidences ? C’est à la fin de mai 1428, quand cette attente cruelle pèse sur le pays, que Jeanne d’Arc se rend, pour la première fois, à Vaucouleurs, près de Robert de Baudricourt. Elle lui demande « de faire savoir au Dauphin de se bien tenir et de ne pas attaquer ses ennemis puisque son seigneur lui enverrait du secours avant la mi-carême. » Elle est renvoyée brutalement, comme on sait, par le capitaine de Vaucouleurs. Quelques jours après, 23 juin, veille de la Saint-Jean-Baptiste, elle dit à Michel Lebuin de Domremy « qu’il y a entre Coussey et Vaucouleurs (c’est-à-dire à Domremy), une jeune fille qui, avant qu’il soit un an, fera couronner le roi de France. » (Procès, II, 440.)

L’armée anglo-bourguignonne s’avance, en juillet, vers Vaucouleurs et court le pays. Les habitans de Domremy et des villages environnans se trouvaient sans défense et sans protection, puisque Robert de Baudricourt s’était enfermé dans la place. Il est tout naturel d’admettre (quoique la date précise fasse défaut ; qu’à ce moment, saisis de terreur, ils prirent le parti de fuir devant l’ennemi et qu’ils se réfugièrent, en Lorraine, à Neufchâteau, poussant devant eux leurs bestiaux et traînant ce qu’ils pouvaient emporter de leur misérable avoir. Jeanne d’Arc participe à l’exode ; des tribulations intimes s’ajoutaient pour elle aux malheurs publics.

Le séjour à Neufchâteau, où les parens de Jeanne logèrent

  1. L’entreprise, dans son ensemble, est clairement exposée par M. Pierre Champion dans son livre : Guillaume de Flavy (p. 16-19).