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elle mourra : « Interrogée si, depuis jeudi, elle n’a point ouï ses voix, répond que oui. Interrogée sur ce qu’elles lui ont dit, répond qu’elles lui ont dit… que si elle disoit que Dieu ne l’avoit envoyée, elle se damneroit, que vrai est que Dieu l’a envoyée. Interrogée si elle croit que ses voix soient sainte Marguerite et sainte Catherine, répond que oui, et de Dieu… ; dit qu’elle n’a point dit ou entendu révoquer ses apparitions… ; dit qu’elle aime mieux faire sa pénitence en une fois, c’est assavoir mourir. » (I, 457.)


Autre prodige, les prophéties : elle est annoncée et elle prédit l’avenir.

Qu’elle ait été annoncée, elle ne l’affirme ni le nie, mais elle ne l’ignore pas : « Interrogée… dit qu’il y avoit un bois qu’on voit de la maison de son père et qu’on appelle le bois chesnu ; elle a entendu dire que son frère, dans son pays, avoit dit qu’elle avoit pris son fait auprès de l’arbre des fées ; mais elle dit qu’il n’en est rien et qu’elle déclare le contraire. Quand elle vint en France, il y en avoit qui lui demandoient s’il n’y avoit pas, dans son pays, un bois qui s’appeloit le bois chesnu parce que, d’après certaines prophéties, des environs de ce bois devait venir une certaine pucelle qui feroit merveilles. Mais elle dit que, pour elle, elle n’y apportoit aucune créance. » (I, 68.)

Donc, sans croire à ces prophéties qui couraient le monde, elle les connaissait ; elle s’en était même servie pour convaincre son hôte Le Royer et son oncle Durand Lassoit. Elle disait qu’elle voulait aller en France vers le Dauphin pour le faire couronner, ajoutant : « Est-ce qu’il n’a pas été dit que la France seroit perdue par une femme et, ensuite, sauvée par une Vierge ? » (II, 247 ; III, 344.)

Ces prophéties, notamment celle du Bois Chesnu, on les connaissait, non seulement aux marches de Lorraine, mais parmi les Anglais ; Sculfort lui-même les raconte à Dunois quand il est son prisonnier (III, 15) ; on les répétait à la Cour du Roi, parmi les gens graves et les ecclésiastiques (III, 75 ; 83). Les juges et les assesseurs les invoquaient à Rouen, trop heureux d’y chercher quelque trace de sorcellerie (133) ; et, plus tard, en sens contraire, on en fit grand état au procès de réhabilitation. On les attribuait à Merlin, à Bède le Vénérable, à Marie