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pierre précieuse ? » (On voit que l’idée d’une couronne a fait son chemin.) Elle, fâchée : « Je ne vous dirai rien autre chose ; le signe qu’il vous faudrait, à vous, c’est que Dieu me délivre de vos mains et ce serait le plus certain qu’il pourrait vous envoyer. Mais, soyez sûrs que, quand je vins près du Roi, mes voix m’avaient dit : Va hardiment quand tu seras devers le Roi et il aura bon signe de te recevoir et croire. » (I, 120.) Le juge profite : « Quand le signe vint au Roi, ne fites-vous pas une révérence ? » Elle, alors, irritée tout à fait, avec son esprit si mordant et si plaisant à la fois : « Répond, qu’elle remercia Notre Seigneur de ce qu’il la délivra de l’insistance des clercs de là-bas qui argumentaient contre elle et qu’elle s’en agenouilla plusieurs fois… Eh bien ! oui, un ange (voici l’ange, maintenant), un ange vint de par Dieu, et non d’autre part, et bailla le signe au Roi. Ce fut seulement alors que les clercs cessèrent de m’argumenter, quand ils eurent vu ce signe. » D’un seul trait, elle développe alors l’apparition d’un ange apportant le signe (c’est-à-dire une couronne au Roi) ; le Roi remercia et dit qu’il était content. Pour elle, « elle se retira en une petite chambre et elle a entendu dire que plus de trois cents personnes ont vu le signe. »

Ce résultat obtenu, le juge la tient. Le 12 mars : « L’ange parla-t-il ? Etait-ce le même qui vous apparaissait à vous-même ? » Elle donne des adhésions de lassitude et mêle à tout cela les noms de sainte Catherine et de sainte Marguerite. Elle dit : « Que son Roi et plusieurs autres ont entendu et vu les voix venant vers elle, Jeanne ; notamment Charles de Bourbon était là et deux ou trois autres. » (I, 57.)

Cela suffit au juge ; il a de quoi bâtir son système. C’est le second article du réquisitoire : « Cette femme dit qu’un ange a apporté à son prince une couronne, très précieuse et de l’or le plus pur, que l’ange s’est incliné devant le prince en grande révérence ; ce prince était seul en recevant ce signe, quoiqu’il y eût grande foule dans la salle, et qu’un archevêque reçut cette couronne et la remit au prince en présence de nombreux seigneurs, etc. »

Cependant, on affecte la bienveillance jusqu’à lui demander si elle désire qu’on en réfère à l’archevêque de Reims, au sire de Boussac, à Charles de Bourbon, à La Trémoïlle, à La Hire et aux autres seigneurs qui, d’après elle, auraient assisté à la scène et vu l’ange apporter la couronne. Mais elle, très finement :