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l’autorité spirituelle et les malheurs qui en étaient la suite. Cette extase dura huit jours, dit le P. de Vaux. Elle revint à elle-même si terrifiée qu’elle saisit, d’une main convulsive, le barreau de fer de sa fenêtre : sa main fut comme adhérente au métal. Elle y était tellement crispée que, pendant un assez longtemps, elle ne put la retirer… » « Une autre fois, une vision lui apprit que saint François et saint Dominique la désignaient au Seigneur pour opérer la réforme des trois ordres. Colette fut profondément troublée. Son humilité repousse cette pensée. Dans ses oraisons, une voix importune se faisait entendre : « Il doit en être ainsi, c’est la volonté de Dieu ! » Plus inquiète alors, elle se répondait à elle-même : « Quoi ! une simple fille qui ne sait rien, pour une œuvre semblable !… » Ses perplexités devinrent plus poignantes. Elle voulait se défendre contre la conviction intime de la vérité de ses révélations et se persuadait que c’étaient des illusions. Vains efforts ; la réalité s’imposait plus profondément dans son âme… » Après une longue lutte et des apparitions sans nombre, manifestant la volonté divine, « elle acquiesça pleinement à ce qu’elle croyait être cette volonté. Comme la Reine des Vierges, elle dit à Dieu : Ecce ancilla. Et elle se mit en marche vers Rome pour aller remplir sa vocation. » N’est-ce, presque mot pour mot, toute l’histoire de la « vocation » de Jeanne ?

Dans ces temps troublés, les récits de voyage sont toujours les mêmes. Des brigands en grand nombre coupaient les routes : on échappa à tous les dangers. « Les compagnons de sainte Colette furent grandement consolés en marchant auprès de la glorieuse ancelle de Notre-Seigneur, laquelle leur étoit comme exemplaire de toute sainteté[1]… Il leur sembloit que ce fût un ange descendu du Ciel… Incontinent qu’elle étoit à cheval, elle mettoit si vivement son cœur à penser à Dieu qu’il sembloit qu’il fût toute sa vie et transfigurée en lui ; elle ne savoit ni ce qu’on faisoit, ni ce qu’on disoit auprès d’elle… Aucunes fois, comme elle alloit à pied, il sembloit qu’elle ne touchoit point à terre, aucunes fois qu’elle volât et fût élevée dans l’air[2]… »

Des faits si nombreux, si semblables et si autorisés ne peuvent être écartés de l’histoire. Encore une fois, c’est tout le travail des idées humaines pendant des siècles qu’il faudrait

  1. Voyez, de même, dans la vie de Jeanne d’Arc, toute la déposition de N’ovellompont (Procès II, 432).
  2. ( ? )