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Page:Revue des Deux Mondes - 1910 - tome 57.djvu/520

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effacer. Visions ou révélations, ces phénomènes psychologiques apparaissent avec une fréquence et une efficacité incontestables, non pas chez des esprits faibles ou dévoyés, mais chez des natures vigoureuses, entières, agissantes, chez des âmes maîtresses.

Entre sainte Catherine de Sienne, sainte Brigitte, sainte Colette de Corbie et Jeanne d’Arc, — pour ne parler que des femmes, — les ressemblances sont nombreuses et ont été bien des fois signalées ; mais on n’a pas assez insisté sur l’analogie et presque l’identité de leur procédé intellectuel, de leur méthode intérieure. On a rapproché Jeanne d’Arc des visionnaires de bas étage, Catherine de la Rochelle, le petit berger du Gévaudan, le maréchal de Salon, Martin de Gallardon. C’est à un autre étiage qu’il faut prendre son niveau.

Sainte Catherine de Sienne et sainte Brigitte furent les véritables inspiratrices de la politique pontificale dans la crise qui devait ramener le Pape à Rome et mettre fin au grand schisme. Sainte Colette de Corbie fut une fondatrice et une rénovatrice, un des esprits recteurs de cette époque désorbitée. Elle fut la contemporaine de Jeanne d’Arc, et, parfois, les lignes de leur action respective se sont rencontrées.

Ces femmes « visionnaires » et les hommes « visionnaires, » comme saint François d’Assise, saint Bernard, saint Vincent Ferrier, etc., sont à la fois de très grands cœurs et de très grands esprits, créateurs, réformateurs, organisateurs, inspirateurs en même temps qu’inspirés. Personnages à la tête ferme, au regard sûr, à la main prudente et délicate, voyant le mal et le corrigeant, agissant avec autorité et perspicacité pour le bien, ils sont des meneurs d’hommes et de peuples. Les papes, les rois, les conciles, les universités, les parlemens, toutes les autorités en possession les écoutent et suivent, parfois subissent leurs conseils. En leur temps, ils se sont imposés par des actes, et leur nom est illustre parce qu’ils ont laissé des œuvres.

Or, ces personnalités, de forte tension intérieure et de puissante détente extérieure, ont en elles un trésor d’énergie vitale qu’elles renouvellent sans cesse par un contact mystérieux avec la fontaine de toute vie. Elles puisent, dans cette réserve inconnue, les trésors merveilleux dont elles font largesse à l’humanité. La solitude et la méditation sont, pour elles, les sources inépuisables de l’action. De telles âmes, quand elles se