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Page:Revue des Deux Mondes - 1910 - tome 57.djvu/526

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A Beaurevoir, c’est tout aussi simple. Elle entend dire que « ceux de Compiègne, tous, jusqu’à l’âge de sept ans, dévoient être mis à feu et à sang ; » elle apprend qu’on l’a vendue aux Anglais. Cela suffit. Ayant accès sur la plate-forme d’une tour elle attache quelques hardes et se jette. On la relève, les reins brisés : « J’aime mieux mourir ! » c’est son mot à Beaurevoir, et ce sera son mot à Rouen.

Toujours la décision, l’impulsion. C’est un chef qui s’élance le premier et quitte le dernier. S’il faut agir, elle ne peut rester en place. Elle décide de la victoire parce qu’elle la veut. Admirable pour saisir « l’instant psychologique, » parce qu’elle est toute âme. Sa troupe va rompre devant les Anglais ; elle crie : « Ils fuient ! » et cette affirmation rétablit le combat. Dans la plupart des engagemens, elle est blessée. Ce n’est pas elle qui resterait sur les collines à considérer de loin la bataille : elle donne !

Très différente de la plupart des femmes et même de ses illustres contemporaines, — qui furent de grands esprits et de grandes saintes, — par exemple cette admirable Catherine de Sienne, miracle de l’intelligence comme Jeanne d’Arc fut le miracle du cœur !

On s’étonne de, sa jeunesse : Eh ! c’est parce qu’elle était jeune ! Pensez-vous qu’un vieux théologien, ou un homme d’armes rompu sous le harnais, eussent gardé de tels dons, à supposer qu’ils les eussent reçus ? La jeunesse seule, l’enfance, a cet élan, cette légère et allègre abnégation, ce débordement de vie qui fait reculer la mort.

Et de si mince origine ! Une fille de paysans, ne sachant que son pater et son ave, une « bergerette ! » Eh quoi ! encore, dans quel grimoire apprend-on le cœur et le courage ? « Lisez votre livre, » répétait la brave fille aux chats fourrés qui allaient la brûler doctoralement.

Enfin, il y avait en elle une force, une force consciente et en laquelle elle croyait plus qu’en aucun autre secours terrestre, sa virginité. A se dire et à s’affirmer vierge, elle mettait une sorte d’ostentation, si on peut parler ainsi de cette âme simple. Quand on lui demandait son nom, elle répondait nettement ; « la Pucelle, » ou « Jehanne la Pucelle. » Elle connaissait tout le sens et la portée de ce terme. La première fois qu’elle avait entendu ses voix, elle avait voué à Dieu sa virginité :