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Page:Revue des Deux Mondes - 1910 - tome 57.djvu/525

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Franchement, je ne le crois pas. Mais il y avait une disposition générale que le pèlerinage de sa mère au Puy signale. Cette brave fille respirait une atmosphère d’angoisse que son grand cœur ne pouvait supporter : elle partit.

Elle court aux combats et aux armes quand la plupart en étaient à l’abandon de soi et aux plaintes stériles. La non-résistance n’était pas son système. Elle partit donc, pour lutter et mourir.

C’est ainsi qu’elle releva le monde du péché de veulerie. Telle fut son action, sa « réforme ! » Les registres de la ville d’Albi résument, dans la froideur du langage officiel, ce que les contemporains pensaient de l’action exercée par Jeanne d’Arc : « Les Français avaient grand’peur de s’avancer sur les Anglais. Mais la Pucelle leur inspira tant de courage en se plaçant à l’endroit le plus exposé du siège, qu’avant qu’il se fût écoulé vingt-quatre heures, le siège fut levé[1]. » Un homme, qui était probablement à Compiègne quand elle fut prise, l’auteur de la chronique dite des Cordeliers, donne la même explication : « Dedans Compiègne se tenoit la Pucelle à grant compaignie de gens et toujours issoit-elle au front devant et faisoit merveilles de son corps et de ses paroles en donnant cœur à ses gens de bien faire la besongne. » La parole qu’elle avait toujours à la bouche était celle de ses voix : Audacter ! « Hardiment ! »

Dès qu’il y a un péril, elle s’y jette. Aussitôt vu l’ennemi, elle attaque, elle fonce. Qu’on la suive, on gagne. Si la victoire hésite, elle tient bon ; elle ne veut pas céder, et, en cas de retraite, il faut que ses gens l’enlèvent de force. Blessée, elle nie ses blessures, ne les sent pas, les guérit à force de les ignorer. L’éventualité qu’elle n’envisage jamais, c’est la défaite. Inutile de rappeler les faits notoires : Orléans, Jargeau, Paris ; mais, voyez, à Beaulieu, à Beaurevoir, non dans l’entrain du combat, mais dans la solitude de la prison : vaincue, prise, sa foi et sa confiance sont détruites sans doute ou, du moins, diminuées ? Nullement. Toujours fière et indomptable. A peine est-elle aux mains des ennemis, qu’à Beaulieu, elle essaye de se sauver. Interrogée sur cette tentative, « répond : qu’elle ne fui oncques prisonnière en lieu qu’elle ne s’échappât volontiers. » La voilà bien, la résolue !

  1. La Piuzela d’Orlhieux, récit contemporain en langue romane de la mission de Jeanne d’Arc, publié par Lanery d’Arc, 1890, in-8.