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Le sismographe électoral ne peut pas enregistrer des mouvemens qui ne se sont pas produits. » Telle est la vérité. Qu’il le doive à son propre mérite ou seulement aux circonstances, le parti catholique voit la prospérité générale se développer autour de lui. Cette prospérité a fait, depuis quelques années, de la Belgique un pays heureux ; elle ne demande pas autre chose que la continuation de ce bonheur. Ajoutons que Bruxelles est aujourd’hui le théâtre d’une Exposition internationale, qui sera certainement un succès ajoutée tant d’autres. La richesse du pays s’y manifeste avec éclat, et les produits étrangers rivalisent avec les produits belges pour faire de cette magnifique exhibition un des plus beaux spectacles que l’activité humaine puisse se donner à elle-même. Les catholiques ont répandu le bruit qu’une crise politique serait en ce moment d’autant plus inopportune quelle compromettrait cette grande fête de l’industrie, et les libéraux prétendent avec dépit que cet argument n’a pas laissé de faire impression sur l’électeur. Peut-être en a-t-il été ainsi ; mais, à parler franchement, nous souhaiterions que nos propres partis n’eussent jamais employé, en temps d’élections, d’armes plus déloyales. Si une crise politique avait eu lieu en Belgique, et si le pouvoir était passé des mains des catholiques dans celles des libéraux, l’Exposition universelle ne s’en serait vraisemblablement ressentie en aucune manière ; mais les catholiques étaient en droit de penser et de dire le contraire, et cette menue monnaie d’argumens a eu toujours cours en temps d’élections. Autant qu’on peut voir les choses à la distance où nous en sommes, il semble bien que tout se soit passé correctement en Belgique. Les libéraux ont été vaincus ; nous le regrettons pour eux ; mais enfin ils ont continué de gagner du terrain. Tout en ajournant leurs espérances, ils n’ont, certes, aucune raison d’y renoncer et ils n’y renoncent pas.


Une fois de plus, la Crète fait parler d’elle et cause quelques préoccupations à l’Europe. La faute en est à tout le monde, aux Crétois sans doute dont la situation est extrêmement fausse, mais aussi à l’Europe ou plutôt aux puissances protectrices qui, par le retrait de leurs garnisons, ont paru leur donner un dangereux encouragement.

Les quatre puissances protectrices, l’Angleterre, la France, l’Italie et la Russie, ont très fermement maintenu en paroles le principe de la souveraineté ottomane, et ce principe est même représenté par un drapeau planté sur un rocher au milieu de la mer ; mais, en fait, l’administration de la Crète fonctionne au nom du roi de Grèce, et il est impossible de rêver une dissidence plus complète entre l’éti-