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voulait la paix et il avait le sentiment que, pour l’obtenir, il fallait détacher le Duc de Bourgogne de l’Angleterre. En joignant cette recommandation si légitime à une autre en faveur du connétable de Richemont, les Etats donnaient un avertissement aux gens qui détenaient le pouvoir : « Traitez avec Bourgogne, leur disait-on à demi-mot ; sinon, Richemont sera rappelé comme l’homme indispensable. »

La Trémoïlle n’était pas assez fort pour se dérober à des injonctions si nettes. Puisqu’on voulait la paix, il s’emploierait à la paix. Il avait, autour de lui, des fonctionnaires, des diplomates, hommes souples et appliqués, esprits mesurés et cœurs froids, peu enclins aux actes héroïques, amis des négociations et des palabres. La « paix de Bourgogne, » c’était une solution, en somme honorable, et qui paraissait facile. Mieux valait ce mot oreiller que l’imprévu et la terre dure des batailles. La Trémoïlle n’oubliait pas qu’il était, par ses origines, attaché à la cause bourguignonne.

Si bien qu’au moment où les Anglais font leur suprême effort devant Orléans, au moment où Jeanne d’Arc survient, les deux partis qui se disputent le pouvoir à la Cour, se disputent, en même temps, la politique si populaire de la « paix de Bourgogne. » Quels que soient les sacrifices nécessaires, ils s’y résignent d’avance et font assaut de zèle.


Mais le Duc de Bourgogne se prêtera-t-il à ces desseins ? En fait, il devenait d’autant plus intraitable qu’on affichait davantage l’envie et le besoin de traiter.

Richemont s’en était bien aperçu et La Trémoïlle s’en apercevait à son tour. La négociation, toujours reprise, n’aboutissait qu’à des impasses ou à des culs-de-sac. Jouant, d’autre part, au plus fin avec Bedford, le Duc tenait la dragée haute des deux côtés à la fois. Pour un diplomate, c’est l’enfance de l’art.

Maître des volontés et des partis à la Cour de France, il n’était pas moins fort du côté de l’Angleterre. Le roi Henri V, en mourant, avait laissé ce conseil suprême au duc de Bedford : « En cas que le beau-frère de Bourgogne voudra entreprendre le gouvernement de ce royaume (le royaume de France), je vous conseille que vous lui bailliez ; mais s’il refuse, si l’entreprenez. » Et il ajoutait « qu’il convenait de ménager, avant tout, le Duc