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sans héritiers directs, le prince Nicolas serait proclamé à sa place roi de Serbie.

Des négociations commencées avec la Grèce aboutirent, à l’automne 1867, à une alliance politique, et, au printemps suivant, à une convention militaire. Les Croates et les Albanais avaient leur place dans ce dessein gigantesque ; des pourparlers furent entamés avec le grand archevêque de Diakovo, Mgr Strossmayer. Le roi Carol déclare, dans ses Mémoires, que la Roumanie devait se joindre à la confédération. En août 1867, le prince Michel était venu visiter à Bucarest le prince Carol et l’avait entretenu de ses projets[1]. Un écrivain en général bien renseigné sur les questions orientales, M. Edouard Engelhardt, nous apprend qu’un arrangement fut conclu, le 20 janvier 1868, entre la Roumanie et la Serbie ; la Porte, alarmée, en publia un texte apocryphe dont les articles résumaient habilement tout ce que les chancelleries croyaient savoir ou deviner[2]. Les deux signataires s’engageaient à agir de concert pour parvenir à l’émancipation des populations chrétiennes de l’Europe orientale. Le Delta du Danube et la partie de la Bulgarie située entre Routschouk et Varna d’une part, et la Mer-Noire de l’autre, seraient réunies à la Roumanie. La Vieille-Serbie, la Bosnie, l’Herzégovine et la partie occidentale de la Bulgarie seraient annexées à la Serbie. La Roumanie négocierait avec la Grèce, la Serbie avec le Monténégro pour les faire entrer dans cette combinaison dont le but principal serait d’établir une concorde durable entre les divers peuples chrétiens de la Turquie d’Europe et de trouver une solution de la question d’Orient.

La mort du prince Michel, assassiné en juin 1868 par les partisans des Karageorgevitch, arrêta l’exécution de ce plan, dont le moindre défaut était de partager la peau d’un ours qui a montré depuis, à Plevna, qu’il avait des griffes et des crocs. L’insurrection de Crète éclata en 1868, et les Grecs se plaignirent de ne trouver aucun appui parmi les Slaves de la péninsule. Entre Grecs, Serbes et Bulgares, la rivalité pour la Macédoine alla désormais s’envenimant. Entre Serbes et Monténégrins, on se dispute l’Herzégovine. Durant la crise de 1875-1879, chacun tire de son côté et fait sa politique particulière : les Grecs de

  1. Baron Jehan de Witte, Quinze ans d’histoire, p. 81, Plon, 1905, in-8.
  2. Engelhardt, la Confédération balkanique, dans Revue d’histoire diplomatique, t. VI (1892), p. 36.