Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1910 - tome 58.djvu/103

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Enfin, c’est comme Français que, tous, nous serons ardemment d’accord pour faire honte aux vilenies pornographiques. Si méprisées, et même la plupart du temps si inconnues qu’elles soient chez nous, c’est d’elles qu’on se sert avec entrain pour discréditer la littérature française et la France. Nos ambassadeurs, nos consuls sont unanimes à déclarer que c’est avec cette pacotille abjecte, où l’on s’obstine à voir les mœurs et les idées de chez nous, qu’on sape notre prestige… Attentat contre la patrie, auquel il n’est que temps de mettre fin ! La véritable littérature de la France, l’art qui caractérise la France, notre magnifique passé, notre souci de l’avenir protestent contre le scandale de telles calomnies. Les étrangers nous doivent la justice, comme nous leur devons la vérité. »

Mais tout cela, bien que commun à tous les pays, n’était pas matière à motiver une entente entre nations ; il s’agissait de faits intérieurs, leurs législations propres devaient suffire à les protéger contre ces excès. Il fallait, pour mettre en mouvement une aussi grosse machine, l’évidence d’un péril commun, menaçant à la fois toutes les nations. C’est le fait nouveau que la découverte des habiles transformations réalisées par les entreprises d’obscénité a fait récemment éclater.

La fabrication et la vente de la pornographie étaient, il y a peu d’années encore, locales et sédentaires, et leurs procédés étaient ceux de tout autre commerce, magasin ouvert au public, annonces dans la presse du pays, envois de prospectus sous bande. Le marché local lui suffisait et ses produits ne dépassaient guère la frontière. Tout cela est profondément changé aujourd’hui. De quasi public, le commerce est devenu strictement clandestin. Plus de magasin, plus même de domicile apparent. La marchandise est dissimulée dans des dépôts à l’abri des recherches, souvent cachée au loin. Les prospectus ne sont plus envoyés sous bande, mais sous enveloppe close. Ils ne contiennent aucune mention qui puisse être incriminée, mais un simple avis, annonçant, sous termes voilés, qu’un catalogue plus explicite sera envoyé discrètement, mais seulement sur demande.

Souvent c’est à un intermédiaire résidant ailleurs que ces demandes et les commandes ensuite doivent être adressées, toujours sous pli fermé, parfois sous des initiales ou des signes conventionnels et poste restante, de façon à se couvrir de la garantie du secret des correspondances.