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Page:Revue des Deux Mondes - 1910 - tome 58.djvu/194

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produisirent. J’en connais dont les emplacemens sont occupés de, nouveau par des peuplemens prestigieux. C’est que la nature répare toujours ces désordres en très peu de temps.

Ne disons donc plus que la France se déboise ; on boise partout au contraire. Les boisemens récens de la Champagne, de la Lorraine, des Landes, des dunes de Gascogne et de la Coubre, de la Sologne, des Alpes, du Massif Central et des Cévennes, sont l’honneur de nombreux forestiers de l’Etat, et de non moins nombreux propriétaires particuliers, grands ou petits. En outre, on remet en bois tous les jours des terrains antérieurement défrichés et cultivés pendant un délai plus ou moins long. Et la comparaison de nos statistiques successives met ces faits en pleine lumière. Ainsi, en 1789, une première statistique, établie d’après les 161 feuilles de la carte de Cassini alors éditées, enregistra 7 600 000 hectares de forêts. Ces 161 feuilles correspondaient à 48 millions d’hectares. En admettant une proportion semblable sur les 5 millions d’hectares à ajouter pour tenir compte des modifications survenues à notre territoire et des 21 feuilles de la même carte dont la publication fut retardée par les guerres jusqu’en 1815, on voit qu’il devait exister en France au milieu du XVIIIe siècle, à très peu de chose près, 8 400 000 hectares de bois. Nos statistiques officielles de ces dernières années accusent 9 500 000 hectares. La France a donc accru son domaine forestier de plus de 1 million d’hectares dans le cours du XIXe siècle.


V

La situation forestière et pastorale d’une contrée quelconque est fonction de sa constitution géologique et de ses altitudes. Les paysages existans ont été imposés par ces deux facteurs. C’est pourquoi il n’est pas à craindre que les grandes lignes de nos sites se modifient jamais profondément.

Les Vosges, le Morvan, les Maures et l’Esterel, la Corse sont dotés d’un coefficient de boisement très élevé : ils le doivent aux terrains cristallins et granitiques qui les forment. Le Jura doit le sien aux calcaires à gros élémens, inaptes aux céréales et à la prairie qui constituent ses crêtes et ses versans. Sur un dixième de nos Alpes où règnent les calcaires dolomitiques et compacts du trias, les calcaires blancs et durs de l’urgonien, les marnes