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Page:Revue des Deux Mondes - 1910 - tome 58.djvu/279

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qu’il sert. Nageant entre deux difficultés, c’est lui qui négocie cette délicate ordonnance du 26 novembre 1425 où, sacrifiant, par des concessions apparentes, les libertés de l’Eglise française, il oppose habilement la modération du gouvernement d’Henri VI à la rigidité gallicane de Charles VII et de son entourage. Pierre Cauchon reçoit, à ce sujet, un bref du pape Martin V, le remerciant avec effusion et le comblant d’éloges. Ceci se passe en 1426. Ces services, Rome promet de ne pas les oublier et elle ne les aura pas oubliés, à l’époque prochaine du procès de Rouen[1].

L’Angleterre et la Bourgogne ont recours, bientôt, à ses capacités éminentes et reconnues pour le développement ingénieux de cette « politique des trêves » qui, adroitement ménagée, arrêtera la fortune des armes françaises, à l’époque de Jeanne d’Arc. C’est Pierre Cauchon qui négocie et, le plus souvent, il a pour partenaire Regnault de Chartres. Ainsi, il est en relation presque journalière avec son métropolitain, chancelier de Charles VII, grand ménager, comme on sait, de la cause bourguignonne. Ces deux hommes se connaissent donc à fond, ils s’entendent à demi-mot. Compiègne, Beauvais, Reims, Senlis sont leurs lieux de résidence. Ils ont des rencontres fréquentes, des familiers communs, abbés ou clercs faisant la navette d’une ville à l’autre, tel ce Jean Dacier, abbé de Saint-Corneille, qui réside à Compiègne en même temps que Regnault de Chartres et Jeanne d’Arc, et qui sera un des juges de Rouen[2]. Ces détails minutieux, tirés désormais des archives, permettent de préciser ce que l’on devinait et de deviner ce que l’on ne saurait pas encore préciser sur les démarches obliques de ces deux hommes, qui se recoupent toujours.

  1. Sur la négociation, voyez N. Valois, Pragmatique sanction de Bourges (p. XXV). C’est à cette occasion que Henri Beaufort fut nommé cardinal dans la même promotion que Jean de Rochetaillée, archevêque de Rouen. La lettre du pape Martin V à P. Cauchon, évêque de Beauvais (juin 1627), est publiée par Valois (ibid., p. 58) : Et nos erga te et ecclesiam tuam, propter hoc fidele obsequium et alias tuas virtutes, semper reperies propicios et benignos. « Tu nous trouveras toujours accueillant et bien disposés en ta faveur et en faveur de ton église, en raison de tes fidèles services et de tes autres vertus. » Le Pape félicita, à cette même occasion, un autre futur juge de Jeanne d’Arc, conseiller du roi d’Angleterre, Jean de Mailly, évêque de Noyon. (Ibid., p. XXXI, note.)
  2. Jean Dacier, abbé de Saint Corneille de Compiègne, au diocèse de Soissons, licencié en droit, ex-aumônier du pape Martin V, mort le 4 mai 1437, après avoir assisté au Concile de Baie, comme représentant des abbés de la province rémoise (c’est-à-dire du diocèse de Regnault de Chartres), (Procès, I, p. 399.)