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couramment et rapidement la lettre écrite par lui huit jours auparavant. Beaucoup se font aider par des scribes indigènes.

L’esclavage tend progressivement à disparaître et on ne croit pas qu’il reste maintenant plus d’un millier d’esclaves au Népal. Le Résident titulaire m’a affirmé n’avoir jamais entendu dire que de mauvais traitemens leur fussent infligés ; ils sont en quelque sorte des serviteurs et il arrive très souvent qu’ils sont affranchis par leur propriétaire. Un homme libre ne peut être réduit en servitude et seuls peuvent être vendus et achetés les esclaves et enfans d’esclaves. Le prix varie de 100 à 300 roupies ; les filles se paient plus cher que les garçons. Toute esclave, est une prostituée ; son maître lui assure la nourriture et elle doit pourvoir à son vêtement. Au Népal, l’esclavage s’est heurté au préjugé des castes, à la nécessité douloureuse pour des parens pauvres d’être parfois obligés de vendre leurs enfans à une famille au-dessous d’eux. L’enfant perdait alors sa caste et c’est la pire déchéance.

Les Newars, qui habitent plus particulièrement la cité, passent le temps de la Dessera à jouer ; les places, les rues sont encombrées de gens assis en cercle, jouant aux cartes ; quelques-uns se servent de toiles cirées posées à terre et marquées de lignes blanches. Au passage de ma voiture, sur l’injonction de la police, ils se lèvent à peine et se garent le moins possible, restant parfois à quelques centimètres des roues ; ils regardent et rient comme des gens heureux : c’est à croire qu’il n’y a pas de perdans ! Dans les faubourgs, où sont rejetées les castes qui n’atteignent même pas le niveau de celles dont on peut recevoir l’eau, et dans la campagne, l’enjeu est souvent fait de païs et de cauris, l’infime monnaie. Il n’en va pas de même des notables de Katmandou ; il est arrivé à certains gros négocians de la « city » de perdre, pendant le peu de jours où le jeu est toléré, de trente à cinquante mille roupies ; ils y mettent pourtant, dit-on, une certaine prudence : ils risquent 10 000 roupies, mais, s’ils les perdent, ils se retirent du jeu et attendent une meilleure chance. A pied, je tourne autour des cercles, sur les places, et m’attarde à regarder enjeu et joueurs. J’imagine que, malgré la défense, ce n’est pas dans la rue que se jouent tes grosses parties.

L’aisance est grande dans le pays ; les famines sont inconnues et les crimes très rares chez ces peuples qui vivent de