Page:Revue des Deux Mondes - 1910 - tome 58.djvu/366

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de cyclone. Un peu en arrière, une chapelle reliquaire tout en fer délicieusement ouvragé enferme un Raja et sa Rani, en or prétend-on. Bien plus curieux m’apparaît un bijou de petit mandir à Râdhâ-Krichna, tout en marbre poli. Une sculpture très pure encadre la porte entre deux colonnettes auxquelles s’appuie un couple de divinités, si mignonnes sous leur couronne de nagas, qu’on les voudrait avoir en poche. Quelques pèlerins ou curieux surviennent et frappent consciencieusement les battans des grosses cloches suspendues aux portiques placés de chaque côté des portails, et les petites clochettes accrochées aux toitures chantent seules à la brise. Ce sont toujours des sons fort doux, pleins, justes, souvent argentins ; car les Népalais ont l’art des alliages mélodieux.

En admirant ces monumens d’un art si original et si complet, je songeais au passé de ce peuple, qui a donné tant de preuves de sa prodigieuse vitalité artistique et chez lequel s’est développée, à une époque où l’Europe était encore barbare, une civilisation si raffinée. Dès les premiers siècles de notre ère, Bouddhistes et Jaïnas rivalisaient dans l’apostolat. Au Ve siècle, on cite un célèbre docteur jaïna qui serait venu au Népal avec cinq cents disciples et le nombre des moines aurait alors, dit-on, beaucoup augmenté. Ils entrent en lutte avec le Brahmanisme qui s’infiltre par le Sud et qui peu à peu absorbe ces cultes, jadis issus de lui, comme il l’a fait si complètement dans les Indes, sauf pour quelques communautés jaïnas. C’est sous la grande dynastie des Malla que le Brahmanisme triomphe et s’assimile la société bouddhiste, que la civilisation et l’art des Newars atteint l’apogée de son éclat. La constitution du grand roi législateur Prithivi le Malla dicte encore les décisions juridiques à l’égard de la communauté bouddhique assujettie elle-même, sur la base, des métiers, à l’organisation hindoue des castes. La nation sera désormais instruite et policée par l’Inde, mais ce qui restera bien népalais ce sera l’art des ouvriers newaris.

Un système de poids et mesures est dû à Java Sthiti Malla, un de ses successeurs écrit un ouvrage sur l’Astrologie et sur « les saisons favorables ; » tel autre, souverain de vingt-six villes et bourgs, fait recueillir des traditions sur leurs origines ; amateur de danses, il réforme et invente de nouveaux rythmes. C’est encore l’un de ces princes qui donne son nom aux mohars d’argent (valant 8 annas) qui aideront aux échanges avec les