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nouveau continent : le monde des Antilles, du littoral du golfe du Mexique (et aussi du Brésil septentrional) était plus cosmopolite que celui du Mexique intérieur ou du Pérou ; région des alizés, de la canne à sucre, des esclaves noirs, ouverte aux flottes des puissances atlantiques, la première rencontrée en arrivant d’Europe, elle était vouée aux rivalités de la concurrence commerciale, aux surprises des flibustiers. L’Espagne ne s’en est guère préoccupée qu’au XIXe siècle, après l’émancipation de ses colonies continentales ; mais elle n’a pas su longtemps y conserver une prépondérance que les épreuves antérieures n’avaient pas suffisamment affinée.

Le Mexique, au Nord, le Pérou, plus bas, étaient les centres de l’empire colonial espagnol ; ces plateaux, où l’altitude compense la latitude, convenaient à la résidence des Européens, beaucoup plutôt que les plages du littoral Atlantique ; si peu encouragée que fût l’immigration, une société créole s’y est de bonne heure développée et même une société de métis, croisés d’Espagnols et d’indigènes, qui forment aujourd’hui le fond de la population. Les vice-royautés de Mexico et de Lima étaient les plus recherchées, parce qu’elles s’étendaient sur des districts miniers, fournisseurs d’or et d’argent pour la flotte annuelle des galions ; c’étaient celles où le besoin de main-d’œuvre avait déterminé les Espagnols, après les barbaries de la conquête, à instituer une sorte de recrutement minier, point trop exigeant, parmi les indigènes. Quant au Chili et à la Plata, on les considérait comme des marches lointaines, abandonnées à l’ardeur aventureuse des pionniers, ou bien au zèle apostolique des missionnaires. Nul ne s’avisait alors que ces pays tempérés, où l’Européen ne se sent pas étranger, étaient particulièrement propices à l’essor de nouvelles nationalités.

Les vice-rois gouvernaient, en fait, sans aucun contrôle ; le Conseil des Indes, siégeant dans la métropole, n’exerçait de pouvoir réel que lorsqu’il fallait préparer des lois, telle, en 1680 ; la Recopilación qui est un code de politique indigène ; mais l’application restait subordonnée à l’arbitraire des directions locales. La justice était rendue, dans des audiencias, par des magistrats nés en Espagne, et presque toujours ignorans des coutumes coloniales. On cite des gouverneurs qui furent des hommes remarquables, désintéressés, tout dévoués au bien public : le drainage de la plaine de Mexico, terminé seulement