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chinoise, hors du champ de manœuvre, donne l’impression de gens ennuyés qui trouvent odieux et inutile ce qu’on leur demande. Les désertions sont nombreuses, cependant la faute est sévèrement punie. L’oreille droite est coupée. Mais le coupable se retrouve rarement. En résumé, plus l’armée se développe, moins elle est solide. La famille impériale ne peut guère compter sur elle. Les enfans des Mandchoux, attachés à sa fortune, forment bien sa garde, mais à côté sont des divisions chinoises ! L’Homme malade n’est plus à Constantinople, il est à Pékin. Les emprunts que les sociétés financières s’obstinent à lui offrir, serviront peut-être à payer les frais de son enterrement.

Le cerveau de la Chine se forme aujourd’hui dans les Universités américaines. Le Céleste-Empire apprend l’anglais. Quand il le saura, toutes ses aspirations, toutes ses facultés seront dirigées vers le négoce. Ses tendances seront encore moins belliqueuses qu’aujourd’hui. L’Anglo-Saxon répugne au service obligatoire, sans lequel il n’y a pas d’armée solide, et le Chinois des classes dirigeantes va se pénétrer de l’esprit anglo-saxon.

La force militaire n’est pas la seule à considérer : il en est une autre dont l’action crée déjà des embarras à certaines puissances. C’est la force d’expansion. Malgré une grande mortalité infantile, la population de la Chine croit rapidement. Les famines, les massacres consécutifs aux séditions qu’elles amènent, les épidémies, rétablissaient autrefois l’équilibre. Maintenant les fléaux deviennent plus rares. Les missionnaires y contribuent pour une large part. Ils élèvent des enfans abandonnés, propagent la vaccine, fondent des hôpitaux, distribuent des remèdes, et le sol, cultivé jusque sur la laisse des eaux, ne suffit pas à nourrir la population. Elle essaime à l’étranger, en nombre chaque année plus considérable, et fait à la main-d’œuvre occidentale une concurrence que celle-ci ne veut pas tolérer. De là les mesures prohibitives prises par les Etats-Unis, maintenant étendues aux Philippines. Dans les mers indiennes et dans le Pacifique, cette invasion est utile. Elle permet aux entreprises européennes de prospérer. Dans ces climats, l’Occidental ne peut pas travailler dans les champs. Le Chinois, cultivateur, commerçant habile, se rend presque indispensable, mais aussi, peu à peu, il devient propriétaire des affaires fructueuses. L’éviction de l’Européen est ainsi commencée, elle sera lente et ce péril ne changera pas l’équilibre du monde. La Chine ne sera pas en