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Page:Revue des Deux Mondes - 1910 - tome 58.djvu/610

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vers le Nord-Ouest. À ce moment, les Russes auront terminé le chemin de fer qui va suivre la rive gauche de l’Amour en partant de Strétensk pour aboutir à Khabarovsk. L’importance militaire de cette ligne est évidente, l’importance commerciale ne l’est pas moins. Le trafic de l’Amour ne sera plus arrêté par les glaces. Cette ligne dégagera le Transsibérien, en ce moment encombré. Cependant son rendement s’est beaucoup accru, par le rapprochement des stations et l’augmentation des voies d’évitement. Le prince Khilkoff, dont l’œuvre ne saurait être trop admirée, devait ajouter entre l’Oural et le Pacifique un nombre suffisant de stations pour doubler la capacité de transport. Grâce aux chemins de fer, la situation de la Russie en Mandchourie est plus forte qu’elle n’a jamais été. Il faut ajouter aux effectifs fixés par le traité de Portsmouth pour les troupes affectées à la garde des voies (15 hommes par kilomètre), les fortes garnisons de Vladivostock, de Nicolsk et de Grodekof. D’ailleurs le 5e corps vient d’être envoyé de Pologne à Perm et Vologda et s’est ainsi rapproché de la Mandchourie, de 1 600 kilomètres ; ni les Russes, ni les Japonais n’abandonneront les chemins de fer qu’ils tiennent et personne ne pourrait les y contraindre. Le gouvernement chinois ferait sagement de comprendre que, sous ce rapport, son influence est nulle. La construction, par les Japonais, du chemin de fer de Chang-Chun à Kirin, faite malgré son opposition, vient de lui en donner la preuve. Le gouvernement russe envisage un autre projet d’une importance aussi grande que celle de la ligne de l’Amour. Son exécution entourera la Chine d’un véritable cercle de fer. Même en admettant qu’elle devienne une puissance militaire, et rien en ce moment ne permet de le prévoir, elle ne pourrait pas se dégager de l’étreinte.

C’est la jonction du Transsibérien avec le système Transcaspien. La nouvelle ligne de 2200 kilomètres réunirait Taschkent à Tomsk (sur le Transsibérien) par Semipalatinsk. Elle permettrait de porter rapidement les troupes du Turkestan et de l’Asie Centrale en Extrême-Orient. Le doublement de la voie du Transsibérien entre Tomsk et la Mandchourie formerait son prolongement et donnerait une ligne de transport indépendante. Ce chemin de fer peut être construit rapidement. Le tour de force accompli pendant la guerre en contournant le lac Baïkal, la construction de ponts de dimensions exceptionnelles lancés sur