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et la Belgique (23 février 1885), ont reconnu l’État indépendant du Congo « à l’égal d’un gouvernement ami, » par des traités explicites, avant la signature de l’acte de Berlin (26 février 1885). L’État indépendant du Congo existait donc avant l’acte de Berlin ; il n’a point été créé par celui-ci.

C’est ce que reconnaissait officiellement lord Kimberley, secrétaire d’État du Foreign Office, dans une dépêche souvent citée, à lord Dufferin, ambassadeur à Paris : « L’État du Congo n’a pas été, du moins à la connaissance du gouvernement britannique, constitué par un acte conventionnel[1]. »

Le comte Percy faisait la même constatation à la Chambre des Communes, à la séance du 9 juin 1904 : « Il est, en tout cas, techniquement démontré que ce n’est pas de l’acte de Berlin que la souveraineté de l’État indépendant du Congo est dérivée. » Et vers la même époque, le baron Karl von Stengel, professeur à l’Université de Munich, écrivait de son côté : « L’État du Congo ne doit en aucune manière son origine à la Conférence de Berlin ou à ses actes ; il occupe au contraire, à l’égard de cette Convention internationale, une place aussi indépendante que celle des autres puissances signataires des conventions[2]. »

La Conférence de Berlin n’a donc ni créé, ni reconnu l’État du Congo. Il n’est même mentionné nulle part dans les discussions du Congrès et s’est borné à adhérer aux protocoles-dans les mêmes conditions que les autres puissances ; ses droits comme ses obligations sont identiques.

Si l’État du Congo n’a point été créé par l’acte de Berlin, du moins s’y est-il rallié ? Aucune puissance ne pourrait justifier son intervention à son égard comme un auteur vis-à-vis de son œuvre, mais ne pourrait-elle se prévaloir des droits d’un co-signataire vis-à-vis d’un co-contractant ?

L’article 34 de l’acte général de la Conférence de Berlin porte : « La puissance qui dorénavant prendra possession d’un territoire sur les côtes du continent africain, situé en dehors de ses possessions actuelles, ou qui, n’en ayant pas eu jusque-là viendrait à en acquérir, et de même la puissance qui y assumera un protectorat, accompagnera l’acte respectif d’une notification adressée aux autres puissances signataires du présent

  1. Dépêche en date du 14 août 1894, citée dans le Blue Book de 1898 sur les affaires de la Vallée du Nil.
  2. Revue Économique Internationale (15 et 20 janvier 1905).