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répondit : « Laisse-moi, laisse-moi me réjouir en Dieu et par ses louanges, au milieu de mes maux, puisque, grâce au Saint-Esprit, je suis déjà si bien uni et joint à mon Dieu, que je puis exulter en lui, le Très-Haut ! »

Comment s’étonner qu’au lendemain même de la mort du fondateur, Frère Elie, provisoirement préposé, par son titre, à la direction de l’ordre, n’ait guère tenu compte de ses constantes volontés ? Le corps nu du Saint n’était pas refroidi sous le cilice et la cendre dont il s’était fait couvrir, dans cette humble cabane de la Portiuncule où il eût voulu être enterré, que toute la population d’Assise, avec armes, bannières, trompettes, descendait, en hâte, s’en saisir et l’emporter triomphalement à l’abri de ses remparts. Qu’il fallût soustraire la précieuse relique à la jalousie et aux violences des Pérugins, cela n’est pas douteux, si l’on songe aux mœurs du temps. Déjà, récemment, lorsqu’on avait ramené le Saint presque mourant de Cortone à Assise, on avait dû le transporter en secret, par des voies détournées, avec une forte escorte, afin d’éviter un coup demain, l’enlèvement en route du futur producteur de miracles. Frère Elie s’empressa d’assurer tout de suite à ses concitoyens tous les bénéfices, moraux et matériels, de cette prise de possession. Il annonça que le tombeau du Saint resterait dans la ville, et que, sur ce tombeau, s’élèverait un magnifique sanctuaire. Sur-le-champ, avec sa promptitude habituelle de décision, il se mit à l’œuvre.

Les circonstances, d’abord, ne lui furent pas encourageantes. Le chapitre, réuni pour l’élection du ministre général, lui marqua sa défiance en nommant, à sa place, Jean Parenti, Florentin. Cette première déconvenue ne ralentit pas son entreprise. Il continua d’agir comme s’il n’avait point de supérieur. Parneti, homme doux et paisible, consciencieusement fidèle à l’idéal franciscain, ne tarda pas à reconnaître son impuissance. Désabusé, désespéré, comme l’avait été le Saint, il abandonna bientôt le pouvoir pour se réfugier dans la solitude et la prière. Au contraire, durant ce temps, l’ardent organisateur, de connivence avec la Commune d’Assise, d’accord avec l’ex-cardinal Hugolin, devenu le pape Grégoire IX, ne perdait point une minute. La canonisation, précipitamment instruite, de saint François fut proclamée le 16 juillet 1228.

Elie ne l’avait pas attendue pour commencer les travaux. L’acte par lequel Simon Puzarelli cède à Frère Elie,