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V

L’année dernière, j’ai entretenu les lecteurs de la Revue de ce qui constitue la supériorité d’un navire aérien ; on se souvient peut-être de la conclusion de cet article d’après lequel la vitesse propre, c’est-à-dire la vitesse mesurée par rapport à l’air ambiant supposé immobile, est le véritable critérium de la valeur d’un aéronef[1].

Cette qualité est d’une importance capitale, car sans elle la direction dans l’océan aérien est forcément précaire. Lorsqu’il s’agit d’aéronefs militaires, la vitesse propre présente un intérêt tout particulier ; nous verrons plus loin, en effet, que, pour se débarrasser de ces observatoires très gênans pour lui, l’ennemi sera forcé d’aller attaquer les navires aériens dans leur propre élément, c’est-à-dire au sein même de l’atmosphère, en envoyant contre eux d’autres aéronefs. On doit donc s’attendre dans les guerres de l’avenir à voir des combats aériens, comme il y a des combats navals. Or, bien que l’on n’ait encore aucune expérience à ce sujet, il semble évident a priori que la victoire appartiendra au plus rapide. Il sera en effet maître d’imposer le combat à l’adversaire ou de le refuser, s’il ne se sent pas en force ; il choisira donc son jour et son heure. Lorsqu’un aéronef se croira assuré de sa supériorité contre son ennemi, si sa vitesse propre est plus grande que la sienne, il l’atteindra forcément, et une fois qu’il l’aura joint, il ne laissera pas à l’adversaire la possibilité de s’échapper. Si, au contraire, l’aéronef ennemi semble devoir remporter la victoire, le premier n’aura qu’à fuir à grande allure et il sera impossible à son antagoniste de le rattraper.

Il convient, d’ailleurs, de remarquer qu’il ne s’agit ici que de la vitesse propre ; le vent n’a rien à voir dans la question. Si un aéroplane français part de Toul pour aller attaquer un dirigeable allemand stationnant au-dessus de Metz, et si l’on suppose que l’aéroplane a une vitesse propre de 70 kilomètres à l’heure, tandis que le dirigeable n’en a que 50, dès que celui-ci se sera aperçu de la poursuite dont il est l’objet, il se hâtera de fuir ; au bout d’une heure, il se sera éloigné de 50 kilomètres, mais pendant ce temps-là l’aéroplane se sera rapproché de 70, et finalement la distance qui les séparait primitivement aura

  1. Voyez la Revue du 1er novembre 1909.