Le règne de Louis XVI forme une période à part dans l’histoire du XVIIIe siècle. C’est une transition entre la vieille et la nouvelle France, entre la vieille et la nouvelle société. Et au point de vue littéraire, cette période a aussi son caractère particulier. Turgot, Malesherbes et Necker en sont les hommes d’État ; Senac de Meilhan, le moraliste, le La Bruyère ; Vicq d’Azyr, le médecin académicien ; Bailly et Condorcet, les publicistes utopiques ; Barthélémy, l’agréable érudit ; La Harpe, le littérateur et le critique ; Rivarol et Chamfort, les étincelans causeurs ; Ramond, le voyageur pittoresque ; Florian, le fabuliste et le petit romancier ; enfin Bernardin de Saint-Pierre en est le grand poète officiel.
Cette période fut relativement une époque de paix et de bonheur. Et d’abord, c’est l’âge des illusions. On respire et on espère, on voit toutes choses en beau ; malgré le désordre des finances et les signes précurseurs de la Révolution, on croit à l’avenir ; pour guérir les maux du présent, chacun a sa panacée qu’il propose de bonne foi, comme un remède infaillible. C’est aussi l’âge des bonnes intentions. On vit sous un roi qui en est