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minutieusement quelques têtes, — mais par une œuvre capitale : le portrait de Marie de Médicis ( ? ) de la collection Morrisson. L’artiste que Vincent de Gonzague employait comme peintre en chef, alors que Rubens n’exécutait encore que des copies pour ce seigneur, le portraitiste par qui le même duc de Mantoue faisait peindre en buste les plus jolies femmes des cours d’Europe, François Pourbus se découvre à nous comme un maître dans cette prétendue Marie de Médicis, à la haute chevelure d’or, aux mains à la fois fines et grasses, aux chairs délicates et resplendissantes. Nous sommes si près de Rubens que l’on s’est demandé si ce portrait n’était point une œuvre de jeunesse du maître. Mais qu’on regarde le travail « gothique » de la robe pourpre. Pourbus le jeune est encore attaché à la manière que son grand-père Pierre Pourbus pratiquait à Bruges, au milieu du XVIe siècle. Peut-être Rubens trouvait-il cette manière un peu caduque ; mais pour ce qui était de la beauté vénitienne des chairs, des cheveux et des mains, il devait applaudir sans réserve son aîné, — Pourbus avait huit ans de plus que lui, — et se dire que la vérité était là.

Le peintre de la Descente de Croix règne dans deux salles : l’une, considérable, toute vibrante de l’orchestration sans pareille de ses grands décors religieux ; l’autre, plus petite, illuminée de la flamme subtile d’un grand nombre de ses esquisses. D’autres salles nous réserveront encore la surprise de quelques chefs-d’œuvre. Mais la forte émotion nous attend ici et je n’ai point vu de visiteurs qui, pénétrant pour la première fois dans le grand salon de Rubens, ne s’arrêtassent, interdits de la magnificence des parois, et comme contraints de saluer de leur admiration muette l’artiste qui les recevait.

Les années italiennes (1600-1608) ne sont pas très abondamment représentées, et l’exposition renseigne d’une manière sommaire sur les études considérables que le grand Anversois entreprit à Mantoue, à Parme, à Florence, à Gênes et surtout à Venise et à Rome. Au surplus, l’histoire sur ce point est fixée, et l’on sait avec quelle énergie et quelle patience, en quelque sorte scientifique, Rubens s’assimila le génie italien, — celui des maîtres contemporains (éclectiques, naturalistes et baroques), celui des classiques de la Haute-Renaissance, à commencer par