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il vise bien moins les effets de couleurs que la sûreté du dessin, le fini de toutes les parties, l’exacte distribution des ombres et des lumières. Ses moyens simples, classiques sont de ceux qui ne conviennent qu’au génie. En vain rechercherait-on la fougue juvénile des débuts ; en vain redemanderait-on cette poésie charmante, mais parfois artificielle, que le pittore cavalieresco mettait dans ses portraits italiens. La maturité est inscrite dans toutes les œuvres flamandes. Et, bien entendu, elle n’exclut ni le charme, ni la poésie ; mais elle les traduit avec mesure, et on ne les découvre qu’avec plus d’attrait dans les portraits, sérieux et profonds, tels que ceux de Pontius, de Pierre Stevens et de sa femme.

Les portraits de la période anglaise rassemblés au Cinquantenaire n’atteignent ni le nombre, ni la haute qualité de ceux que l’on vit à l’exposition de 189 ! ). Néanmoins, l’importance des années anglaises ne saurait être mise en cause. C’est alors, — de 1638 à 1641, — que se révèle le plus grand van Dyck. Mais les commandes étaient si nombreuses que souvent une grande partie de l’œuvre était abandonnée aux élèves. Il nous paraît certain que le très joli groupe Guillaume II et sa fiancée Marie Stuart envoyé par le Rycksmuseum est entièrement peint par un disciple d’après un dessin ou une ébauche du maître. La haute figure de Robert Rich, en armure de guerre (collection Pierpont-Morgan), le buste du comte de Pembroke d’une si précieuse matière (M. Francis Whale), le portrait présumé de Dobson (collection Paul Mayer-Warnant) sont de bons exemplaires de la série anglaise. Mais on ne saurait les comparer aux grands chefs-d’œuvre de cette époque : les nombreux portraits de Charles Ier, de la reine Henriette, des enfans royaux, du vicomte Grandison, des lords Wharton, Digby, William et de vingt autres. Une seule œuvre à l’exposition peut rivaliser avec les toiles maîtresses des années vécues à Londres et à Blackfriars : c’est le portrait de la comtesse de Clanbrasil envoyé par lord Denbigh. Il résume les dernières conquêtes de van Dyck. La comtesse est debout, vêtue de satin bleu, — un bleu effacé et profond, — et nous regarde en souriant. Elle a dix-sept, dix-huit ans, et son image, gracile et flexible comme une jeune tige, figure à nos yeux toute cette noblesse anglaise qu’un souffle de tempête humaine va renverser. Sa poitrine mince se couvre de grosses perles ; ses fines épaules sont nues ; elle tient à la