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trois paysages de Jean Siberechts. Ce dernier est un maître en avance sur son temps (tableaux de la ville de Bruxelles et de la collection Ch. L. Cardon). Il peint les cours des fermes flamandes et les travaux rustiques avec une simplicité et un réalisme qui ne reparaîtront que deux cents ans plus tard.

Je ne saurais, — sous peine d’allonger démesurément cet article, — accorder aux « petits maîtres » la place qu’ils méritent. Leur exposition est des plus attrayantes et nous pourrions nous attarder sans ennui devant les van Balen, les Francken, les Absoven, les Teniers, les Brouwer, les van Craesbeek, les Coques, les Ryckaert, les van Duyn, les Breughel de Velours, les van der Haecht, les Daniel Seghers. On a rarement vu pareille sélection de ce que les Hollandais appellent si joliment les « Kabinetstukjes. »

Le Mauritshuis a envoyé ses deux Galeries de Tableaux, — l’une peinte par vingt artistes différens, l’autre exécutée, croit-on, par van der Haecht, — et qui, toutes deux, sont des chefs-d’œuvre du genre. On se demande, en les regardant, si les grands collectionneurs du XVIIe siècle couvraient ainsi les hautes parois de leur galerie jusqu’aux voûtes et s’il arrivait que des Titien et des Corrège célèbres se perdaient dans les frises ? Nos peintres assurément préféreront le système actuel du « tout à la rampe. »

Parmi ces « petits maîtres, » la faveur du public va surtout à ce charmant quatuor : David Teniers II, Adrien Brouwer, van Craesbeek et Gonzalès Coques. Le Paysage avec pêcheurs du Kaiser Friedrich Muséum, le Marchand de moules du duc d’Arenberg, le Cabaret de M. Kappel, le Tir à l’arc du baron Oppenheim, les Joueurs de Boules du baron Janssen et la belle Nature morte du docteur Bredius sont d’excellens spécimens de l’art avec lequel Teniers établit ses valeurs sur une trame argentée. Il a rarement recours aux effets d’ombre, chers à la dynastie des van Ostade, et ses scènes nocturnes, — telles que ses Paysans jouant aux cartes de Mme A. Thième, — sont exceptionnelles. À dire vrai, David II (le plus notoire des nombreux peintres de la famille Teniers) ne sort pas grandi de l’exposition. Adrien Brouwer en revanche, avec les envois de MM. Schloss, Léo Nardus et van Gelder, reconquiert le rang que lui assurait au XVIIe siècle l’amitié de Rubens. On sait qu’il aimait les bouges