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œuvre importante n’est à signaler de ces déracinés de marque : Philippe de Champaigne, peintre de la cour de France, et de Sulterman, peintre de la cour des Médicis.

Une vaste salle ne suffit pas à contenir les œuvres des animaliers, des peintres de fleurs et de natures mortes : Snyders, Jean Fyt, Adrien van Utrecht, Pierre Boel, Paul de Vos, décorateurs somptueux et trop peu appréciés. Il fallait à Snyders une bravoure héroïque pour peindre le Marchand de gibier, immense, presque démesuré, prêté par M. Fievez. Sans être de dimensions aussi colossales, son Intérieur d’office du musée de Caen est une peinture tout aussi énergique et de la plus radieuse ampleur : le cygne blanc modelé sur le drap rouge serait d’un effet plus puissant encore si l’artiste n’avait pas accordé tant d’importance à son grand ciel bleu. La lourde et souple Guirlande prêtée par la ville de Bruxelles dit la virtuosité incomparable de Snyders comme peintre de fruits. — Jean Fyt est un portraitiste sans pareil de la race canine, un analyste minutieux du gibier de plume et de poil et un coloriste infiniment subtil. L’exposition le glorifie à souhait et les tableaux envoyés par MM. Beernaert (l’éminent ministre d’État dont les hautes influences furent bien précieuses aux organisateurs), Porgès, Duveen, Crews, lord Aldenhand, et le musée d’Anvers procurent une véritable délectation. Quelle minutie dans l’exécution, quelle variété de tons et quelles harmonies profondes ! Quel régal que ce ventre de lièvre aux poils blancs, jaunes et azurés ! Quelle fierté dans ce chien dressé sur le butin et dominant les sangliers égorgés ! Généralement Fyt maintient ses compositions dans un clair-obscur qu’on dirait emprunté à Rembrandt ; mais parfois aussi, rarement d’ailleurs, il éclaircit sa gamme et produit des tableaux d’une délicieuse tonalité gris-argentée, comme ces Chiens et Gibier de lord Aldenhand. On songe alors irrésistiblement à Oudry. D’ailleurs, les animaliers flamands, — et l’on doit ajouter, à ceux que nous venons de citer, l’impétueux Paul de Vos, bien représenté avec un Sanglier attaqué par des chiens du comte Constantin de Bousies, — sont les maîtres des animaliers français et anglais, comme van Dyck est le père du portrait en France et en Angleterre.

Les paysagistes font assez modeste figure : quelques tableaux de d’Arthois, le peintre de la forêt de Soignes, une belle composition italianisante de Corneille Huysmans (musée du Havre) et