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Page:Revue des Deux Mondes - 1910 - tome 59.djvu/316

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d’un même hommage. Il laissait voir néanmoins la préoccupation bien naturelle de mettre surtout en relief l’élément français. Il nous montre les zouaves se battant pendant trente-six heures dans les gorges de l’Ouar-Senis et sortant victorieux de la lutte la plus acharnée ; il nous les montre ensuite au siège de Zaatcha, suivant leur colonel qui arrive le premier sur la brèche, escorté de seize sous-officiers. Ce qu’il faudrait citer de ce beau livre, ce qui enleva l’admiration des connaisseurs, c’est la peinture de l’installation des hommes au bivouac. Tous les mots qui les peignent ont la valeur de coups de pinceau et nous les font voir dans la diversité de leurs attitudes. « La halte sonne, le bataillon s’arrête et s’aligne sur la position qui lui est assignée ; la compagnie de grand’garde est seule en avant. Tandis que les officiers supérieurs vont placer les postes eux-mêmes, les faisceaux se forment sur le front de bandière, les petites tentes se dressent, les feux s’allument comme par enchantement. Les corvées vont à la distribution des vivres, des cartouches ; les hommes de cuisine sont à l’œuvre ; d’autres coupent du bois, car il en faut faire provision pour la nuit ; d’autres fourbissent leurs armes ; d’autres encore réparent leurs effets avec cette inévitable trousse du soldat français qui d’abord faisait sourire, dit-on, nos alliés en Crimée. »

En 1855, les Anglais ne sourient plus, ils admirent. Cette fois, les zouaves ne se trouvent plus en face des Arabes sur lesquels leur supériorité s’est manifestée tant de fois. Ils ont à lutter avec des adversaires autrement redoutables, avec cette armée russe qui nous a si chaudement disputé les champs de bataille d’Eylau et de la Moscowa, ils font campagne à côté de cette infanterie anglaise dont nous avons si souvent éprouvé la solidité à nos dépens. Amis et ennemis portent maintenant aux nues leur éclatante bravoure. Le Duc d’Aumale recueillait, comme je les ai recueillies moi-même à cette date pendant un séjour en Angleterre, les impressions de la presse et du public anglais. Dans toutes les réunions, dans tous les banquets, du haut de toutes les chaires, les orateurs ne laissaient échapper aucune occasion de parler avec éloges de la valeur française. Les zouaves surtout excitaient l’admiration. Les correspondans des journaux aimaient à les représenter « grimpant comme des chats » sur les pentes de l’Alma ou « bondissant comme des panthères » sur les broussailles d’Inkermann. Les hourras